Politique

L’opposition est-elle en train de passer devant une opportunité historique ?

Il n’y aura pas un autre Mazafran pour l’opposition algérienne. L’idée de Abdallah Djaballah de chercher un consensus sur un candidat unique de l’opposition pour la prochaine présidentielle avait laissé entrevoir l’espoir d’une action commune, mais il n’en sera apparemment rien.

L’initiative a pris du plomb dans l’aile avant même la tenue de la réunion à laquelle a appelé le président du FJD pour ce mercredi. On est déjà sûr que presque tous les poids lourds de la scène politique, soit le RCD, le FFS et le PT, ne seront pas présents. Même le candidat indépendant Ali Ghediri a changé d’avis après avoir donné son accord de principe dans un premier temps.

La présence des potentiels candidats Abderrazak Makri et Ali Benflis et des représentants d’une dizaine de formations politiques sans réel poids ne sauvera pas l’initiative de M. Djaballah.

Une fois de plus, l’opposition algérienne ira à une élection cruciale en rangs dispersés, comme elle l’a fait pour tous les scrutins depuis l’avènement du multipartisme il y a trois décennies.

La mémorable conférence de Mazafran, en juin 2014, n’avait pas donné lieu à une alliance électorale qui aurait au moins bousculé le pouvoir et ses partis si elle avait été structurée en tant que telle. Juste après la réélection de Abdelaziz Bouteflika pour un quatrième mandat consécutif, en avril de la même année, les partis et personnalités nationales avaient admis unanimement qu’il était temps de changer de stratégie. En se réunissant deux mois plus tard à la conférence de Mazafran, ils avaient démontré, à eux-mêmes d’abord, que les clivages qui les séparaient n’étaient pas insurmontables.

La conférence a été un franc succès sur plus d’un plan. D’abord en réunissant côte à côte des partis et personnalités qu’on disait inconciliables, islamistes et laïcs, RCD et FFS par exemple. Ensuite, en débouchant sur une plateforme commune, véritable feuille de route pour un changement pacifique.

Hélas, l’échéance électorale la plus rapprochée était prévue dans trois ans (mai 2017) et, entre-temps, les vieux démons de la division avaient refait surface. L’opposition se fera laminer aux législatives et aux communales de 2017 et il subsistait l’espoir d’un éclair de lucidité pour cette présidentielle de 2019.

La conjoncture est en effet plus que propice à une action commune. Le pouvoir s’est lui-même tiré une balle dans le pied en ne se laissant comme alternative qu’un cinquième mandat pour un président aphone et invisible et, la crise économique qui se profile aidant, il est plus que jamais en position de lâcher du lest. Pour peu que l’opposition l’y accule. Mais étrangement, celle-ci ne fait rien pour saisir l’opportunité et ce n’est pas la réunion de ce mercredi qui changera quoi que ce soit.

Les initiatives individuelles ont refait surface dès le milieu de l’été. Abderrazak Makri avait lancé son étrange idée de conférence nationale devant déboucher sur le report de la présidentielle, une initiative qui, aujourd’hui encore, lui vaut la méfiance de certains acteurs de l’opposition qui le soupçonnent de sous-traiter pour le pouvoir . Le FFS a brûlé ses vaisseaux avant même l’annonce de la candidature de Bouteflika en annonçant le boycott du scrutin, jugeant que seul son vieux projet de « consensus national » est à même de sortir le pays de la crise. Il sera imité, ou presque, quelques jours plus tard par le RCD qui opte pour la « non-participation » et lance lui aussi son initiative en direction de la classe politique.

Le PT ne s’est pas encore prononcé quant à sa participation ou pas, mais sa secrétaire générale, Louisa Hanoune, ne rate aucune occasion pour remettre au goût du jour sa revendication d’élection d’une assemblée constituante, passage obligé selon elle pour une refondation nationale. Le nouveau venu sur la scène, Ali Ghediri, n’a pas laissé paraître une disposition pour une action concertée, assurant dès sa première sortie publique qu’il était partant, « qu’il neige ou qu’il vente ». Qu’il boycotte la réunion de ce mercredi n’est de ce fait pas totalement une surprise. Même Abderrazak Makri, l’un des tout premiers à applaudir l’idée de M. Djaballah, est soupçonné par certains acteurs d’avoir d’autres idées en tête et de ne concevoir de candidature unique que la sienne.

Au moment où le pouvoir, avec tout ce qu’il compte comme partis et organisations de masse, s’apprête à investir le terrain en bloc uni pour porter une candidature pourtant surréaliste, l’union de l’opposition algérienne est remise pour une autre échéance.

Pour le scrutin à venir, l’empressement du FFS et du RCD constitue une sorte de fait accompli qui ne laisse d’autre forme d’action commune que le boycott général. Un choix par défaut qui ne saurait être le meilleur. Le retrait collectif de six candidats en 1999 n’avait pas empêché Abdelaziz Bouteflika d’accéder au pouvoir et d’y rester vingt ans, au moins.

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