À la veille du troisième vendredi de manifestations nationales contre le cinquième mandat, l’opposition repart à l’offensive alors que l’Alliance présidentielle devient de plus en plus silencieuse et discrète. Ce jeudi, plusieurs partis de l’opposition ont renouvelé leur appel au « départ du pouvoir » et à la mobilisation contre le cinquième mandat.
Ali Benflis, président de Talaie El Hourriyete, a répondu mercredi, à la lettre envoyée par le président Bouteflika lors du dépôt de son dossier de candidature au Conseil constitutionnel. Il a estimé que la lettre est » provocatrice » et « en décalage profond par rapport aux objectifs fixés par les Algériens ».
Pour Benflis, cette lettre est « en décalage profond par rapport aux objectifs actuellement fixés par les Algériennes et Algériens », qui, selon lui, « ne se sont pas levés pour une présidentielle anticipée, pour une conférence nationale dont personne n’ignore le caractère dilatoire, pour une distribution des richesses à partir de la planche à billets, pour un mécanisme d’organisation des élections ou pour une quatrième initiative constitutionnelle ». Le peuple veut « la refondation de l’État national », a insisté Benflis.
L’opposition s’est réunie ce jeudi, pour la quatrième fois. Certes, elle peine toujours à adopter une position commune décisive mais les partis qui ont pris part à cette nouvelle rencontre se veulent de plus en plus incisifs et clairs dans leurs attaques contre le pouvoir et dans leur soutien au mouvement de protestation.
Lors de cette réunion, le président du RCD Mohcine Belabbes est revenu à la charge en appelant le pouvoir à annoncer des « décisions importantes » pour offrir « une issue positive à l’exigence de renouveau qui s’exprime sous nos yeux ».
‘Le chef de l’État doit démettre son gouvernement et annoncer sa démission pour ouvrir la voie à une période de transition qui a pour but de réunir les conditions à même de donner la parole au peuple sur la nature des institutions qui conviennent à notre société et à notre temps avant d’élire ses mandants », estime le Président du RCD.
Abderrazak Makri adopte, quant à lui, une position différente, même s’il revendique lui aussi le départ de Bouteflika. Dans un message vidéo publié sur sa page Facebook, il a estimé que « le peuple algérien est sorti contre le cinquième mandat, il refuse le cinquième mandat et le cinquième mandat ne peut exister cette fois-ci ».
« Lorsque nous disons non au cinquième mandat, nous voulons dire que nous sommes pour le report (des élections) comme le sont beaucoup de personnalités et politiciens, mais nous devons faire attention car le report à travers l’application de l’article 102 de la Constitution pourrait nous empêcher de faire des réformes », a-t-il poursuivi, avant d’appeler les femmes à manifester en nombre pour « une nouvelle Algérie où le peuple serait souverain ».
Louisa Hanoune, secrétaire général du PT s’est elle aussi adressée à ses militants à travers un message vidéo. Elle a appelé à manifester ce 8 mars et a invité les femmes à être nombreuses. Pour elle, l’objectif des manifestations de demain est « le départ du régime, à travers le refus du cinquième mandat ».
Les partis de l’opposition haussent le ton et adhèrent de façon plus franche au mouvement de protestation populaire contre le pouvoir. Mercredi, le FFS a annoncé avoir décidé de retirer ses élus des deux chambres du Parlement en protestation contre le cinquième mandat.
L’Alliance présidentielle se fait discrète
Dans ce contexte, l’Alliance présidentielle devient plus silencieuse et plus discrète. Pendant la semaine qui a suivi le premier vendredi de manifestations, plusieurs membres de cette alliance se sont pourtant exprimés. Ahmed Ouyahia, Mouad Bouchareb et Aabdelmalek Sellak, qui était alors Directeur de campagne de Bouteflika et Ammar Ghoul ont tous pris la parole pour répondre aux manifestations et à l’opposition. Mais depuis, les partis du pouvoir se murent dans le silence.
Le FLN, principal parti de l’alliance semble en difficulté. Alors que des démissions étaient déjà signalées depuis quelques jours parmi ses élus locaux et nationaux (APN), une nouvelle défection vient confirmer ces difficultés. Abdelkrim Abada, désigné mercredi comme membre de l’instance dirigeante du FLN a démissionné ce jeudi et a annoncé, dans un communiqué, son soutien et son adhésion au mouvement de contestation du cinquième mandat. Le MPA d’Amara Benyounes n’a même pas commenté la lettre du président dans laquelle il a annoncé son intention de mener de profondes réformes et d’organiser une présidentielle anticipée s’il est élu en avril prochain.
Cet inconfort des quatre partis au pouvoir est parfaitement illustré par l’image d’une APN complètement vide ce jeudi, lors d’une séance de questions-réponses au gouvernement. L’absence des députés de l’opposition pouvant être expliqué par leur opposition au cinquième mandat, celle des députés du pouvoir, largement majoritaires à la chambre basse du Parlement ne peut s’expliquer que par une posture attentiste, voire inquiète de leur part.