Le Dr Mohamed Bekkat Berkani, membre du conseil scientifique en charge du suivi de l’épidémie de coronavirus en Algérie, explique les raisons de la décrue des contaminations au Covid-19, parle du vaccin contre la Covid-19, et des risques d’une nouvelle vague…
L’Algérie est repassée hier dimanche au-dessous de la barre des 500 contaminations au Covid-19 en 24 heures. Est-ce que c’est rassurant ?
Les chiffres des contaminations quotidiens enregistrés depuis quelques jours sont rassurants. Ils s’expliquent par deux raisons essentielles. D’abord par la décision des autorités d’étendre le confinement pour un certain nombre de wilayas. Ensuite, par le gel de l’activité dans les commerces non essentiels dès 15h, en essayant de pousser les gens à rentrer chez eux après le travail. De cette façon, on évite les regroupements dans des locaux. À ces deux facteurs s’ajoute le port de la bavette, une mesure à propos de laquelle les services de sécurité veillent sur son application. Il est opportun de signaler que la population est devenue plus consciente des risques sanitaires ; beaucoup d’Algériens ont vu leurs parents, cousins, frères ou voisins morts ou hospitalisés dans un état grave à cause du Covid-19.
Ces mêmes personnes ont pris également conscience que les hôpitaux étaient saturés. Ce qui explique que la population est de plus en plus respectueuse des gestes barrières en particulier le port du masque. Cette nouvelle attitude a conduit à faire baisser la pression sur les hôpitaux pour les cas graves, à diminuer le nombre de contaminations quotidiennes enregistrées par RT-PCR au niveau des structures publiques alors que le nombre de cas réels doit dépasser certainement les cas recensés, mais qu’à cela ne tienne. Cela nous prouve qu’on nous mettant tous individuellement et collectivement au respect des gestes barrière, on peut arriver à une situation de plateau, de décrue comme c’est le cas actuellement. Et qui nous permettrait d’envisager la reprise normale et progressive de l’activité sociale et économique dans le pays, tout en gardant un œil rivé sur le baromètre des cas Covid.
Mais l’effet yo-yo est ce qui caractérise le plus la situation épidémiologique en Algérie. Lorsqu’on ferme, ça diminue et quand on ouvre c’est la reprise. Qu’en dites-vous ?
Tout à fait vrai. Quand vous appliquez une discipline de comportement, dans les espaces publics en particulier en interdisant les regroupements, vous avez automatiquement une diminution des contaminations interhumaines. Mais je reviens au fait que les Algériens ont pris conscience de la gravité de l’épidémie, et chacun d’entre eux tente un tant soit peu de respecter les gestes barrières.
Mais n’y a-t-il pas un risque de reprise de l’épidémie ?
C’est un danger. Nous sommes dans une situation où tout le monde doit comprendre que la seule arme que nous avons pour détruire le virus ce sont les gestes barrières, en attendant bien entendu la vaccination qui permettra d’arriver à l’immunité collective. Le fait est là : les gestes barrière ont donné des résultats.
D’autre part, les décisions qui ont été prises pour stopper la propagation de l’épidémie ont également donné leurs fruits. Ainsi, grâce à un mélange intelligent de coercition et de prise de conscience quant au danger, nous arriverons à contrôler l’épidémie. Et là, il est important de prévenir contre tout relâchement. D’autant que l’hiver qui arrive favorise toutes les viroses respiratoires y compris naturellement le Covid-19. Il est donc clair que si on relâche sur les mesures barrières, il y aura mathématiquement une augmentation des contaminations… …
Et une troisième vague éventuellement…
Et un risque de troisième vague effectivement. Pour le moment, il ne faut pas crier victoire, parce que même si on est à 100 cas de Covid-19 par jour, le virus est toujours là parmi nous et il n’attend que l’occasion d’un relâchement pour se propager à nouveau.
L’Algérie est-elle prête aujourd’hui pour acquérir le vaccin anti-Covid ?
L’Algérie a opté pour la prudence. On acquerra le vaccin qui soit tout d’abord efficace et bien éprouvé avec un dossier solide et qui sera agréé par toutes les instances sanitaires internationales, en particulier l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et sa plateforme COVAX dont l’Algérie est membre. Le vaccin devra être facile d’utilisation et adapté à notre système de vaccination qui existe déjà (polycliniques). On ne peut vraisemblablement pas opter pour des vaccins qui nécessitent une conservation dans des conditions très particulières (très basses températures, NDLR). Le choix du vaccin obéit aussi au souci qu’il n’y ait pas d’effets secondaires à court ou à moyen terme.
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