Le projet de loi modifiant et complétant la loi 06/01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption sera examiné cette semaine par l’APN, chambre basse du Parlement, plus d’un mois après son adoption en Conseil des ministres fin décembre 2018.
Le document, dont TSA détient une copie, institue la création d’un pôle pénal financier à compétence nationale « doté de tous les moyens humains et financiers nécessaires à son fonctionnement ».
Le tribunal de Sidi M’hamed et le tribunal criminel d’Alger sont chargés de juger les affaires instruites par ce pôle. Ce dernier est chargé, selon l’article 24 bis, de la recherche, de l’investigation, de la poursuite et de l’instruction des infractions financières de grande complexité et les infractions qui leur sont connexées ayant trait à la corruption, à l’évasion et à la fraude fiscales, au financement illégal des associations, aux infractions de change et à celles relatives aux institutions financières et bancaires.
L’article 24 bis 1 détaille la composante du pôle pénal financier : un procureur de la République, ses adjoints et des juges d’instructions, désignés pour leur spécialisation dans les infractions financières.
Les pleins pouvoirs pour le procureur du pôle pénal financier
Des assistants spécialisés (experts) peuvent être recrutés pour le besoin des enquêtes. Le procureur de la République du pôle pénal financier peut engager la procédure après avoir été saisi par le procureur du tribunal du lieu de l’infraction, s’il estime que l’infraction relève de sa compétence.
Il peut intervenir d’office pour les infractions entrant dans sa compétence dont il prend connaissance ou « dont il est informé par les différentes administrations, institutions et établissements ainsi que par toute autre personne ».
Il peut, à tout moment de l’action, revendiquer la procédure. « Le procureur de la République près le tribunal du lieu de l’infraction ou de la juridiction à compétence étendue se dessaisit de la procédure, lorsqu’elle est revendiquée par le procureur de la République auprès du pôle pénal financiers. En cas de saisine du pôle pénal financier, les officiers de police judiciaire exerçant dans le ressort du tribunal du lieu de l’infraction, reçoivent les instructions directement du procureur de la République près du pôle pénal financier», est-il souligné dans l’article 24 bis 2.
Un juge d’instruction du tribunal du lieu de l’infraction qui ouvre une information judiciaire peut se dessaisir au profit du juge d’instruction du pôle pénal financier. Dans ce cas, les officiers de police judiciaire, exerçant dans le ressort du tribunal du lieu de l’infraction, reçoivent les instructions directement du juge d’instruction du pôle pénal financier.
Les procédures pendantes devant l’Office central de répression de la corruption sont transférées au pôle pénal financier dès son installation.
Protection légale des dénonciateurs
Le projet de loi introduit également le principe de la protection légale des dénonciateurs et des lanceurs d’alerte à propos des affaires de corruption. Il s’agit de l’application d’une recommandation de l’ONU.
« Aucun mesure portant atteinte à l’emploi et aux conditions de travail ne peut être prise à l’encontre d’une personne qui signale ou révèle aux autorités des actes de corruption. Le concerné peut saisir le juge des référés pour ordonner la cessation des mesures prises à son encontre, sans préjudices de son droit à l’indemnisation », est-il retenu dans l’article 45 bis.
Le projet de loi prévoit, dans son article 51 bis, la création d’une agence nationale de gestion des avoirs et des biens illicites, saisis ou gelés, provenant des infractions prévues par la loi. « Les missions de l’agence, les conditions et les modalités de son organisation et fonctionnement sont fixées par voie réglementaire », est-il souligné dans l’article 51 bis.
Création d’un organe national de prévention et de lutte contre la corruption
Le projet de loi permet, selon l’argumentaire avancé par le ministère de la Justice, de s’adapter à la Constitution de 2016 qui a institué un organe national de prévention et de lutte contre la corruption, « une autorité administrative indépendante chargée de proposer et de contribuer à animer une politique globale de prévention de la corruption ».
L’organe est chargé d’évaluer l’efficacité des lois liées à la lutte contre la corruption, de suivre les actions sur le terrain en se basant sur les rapports et statistiques produits par « les secteurs concernés », de développer la coopération internationale, de recueillir d’une manière périodique les déclarations de patrimoine des agents publics et de recommander aux pouvoirs publics les mesures législatives relatives à la prévention de la corruption.
L’organe peut demander l’aide des parquets. Ses membres prêtent serment devant la Cour d’Alger pour sauvegarder « les confidentialité des informations » obtenues.