Après avoir pointé du doigt, le 2 avril, une « poignée de personnes » qui a accaparé les « richesses du peuple », le chef d’état-major des forces armées, Ahmed Gaid Salah est revenu à la charge ce mercredi en annonçant l’ouverture des dossiers de corruption qui ont défrayé la chronique durant les vingt ans de règne de Bouteflika.
«La justice, qui a recouvert ses pleines prérogatives, est désormais en mesures d’entamer des poursuites judiciaires contre toute la bande impliquée dans les affaires de détournement et de dilapidation des fonds publics, et que la question s’étendra également aux affaires de détournement précédentes », a affirmé Ahmed Gaid Salah dans son discours devant les cadres militaires de la 2e Région militaire.
Selon lui, « la justice, qui a recouvert ses pleines prérogatives, agira en toute liberté, sans contraintes aucunes, sans pressions ni ordres, pour entamer des poursuites judiciaires contre toute la bande impliquée dans les affaires de détournement des fonds publics et d’abus de pouvoir pour s’enrichir illégalement ».
« À cet effet, poursuit-il, nous rassurons l’opinion publique que la question s’étendra à tous les dossiers précédents, comme l’affaire d’El Khalifa, de Sonatrach et du « Boucher » et autres dossiers relatifs à la corruption qui ont occasionné des pertes considérables au Trésor public ».
Non seulement la démarche de Gaid Salah pêche par quelques incohérences, mais elle est déjà plombée par un déficit de crédibilité qui touche la justice. Pourquoi, en effet, avoir attendu des années pour évoquer les affaires de corruption, l’existence d’une « bande » coupable de malversations ou encore « d’abus de pouvoir » ?
Au-delà de ce déphasage qui ne fait que jeter la suspicion sur la démarche, Ahmed Gaid Salah n’explique pas comment, du jour au lendemain, l’institution judiciaire a « recouvert ses pleines prérogatives », lorsqu’on sait que le code de procédure pénal, amendé il y a quelques années, interdit au parquet d’ouvrir une enquête judiciaire sur les faits de corruption qui touchent les biens publics.
S’il soutient qu’elle agira « sans pressions », « ni contraintes », ni « ordres », Ahmed Gaid Salah reconnaît implicitement que l’institution judiciaire a justement souffert de ces interférences depuis longtemps. Et ce n’est pas quelques phrases dans un discours qui vont faire évoluer les choses.
On le voit bien depuis le début du mouvement populaire : quelques hommes d’affaires sont poursuivis mais d’autres dossiers, pourtant spectaculaires n’ont pas été ouverts. Certains magistrats se sont certes « rebellés » et participent au mouvement populaire, mais la majorité reste silencieuse et continue d’obéir aux anciennes règles de conduite.