Société

Lutte contre le Covid-19 : les professionnels de santé déplorent un manque flagrant de moyens

Alors que l’épidémie du Covid-19 est en phase ascendante, des professionnels de la santé signalent des manques en matière de moyens de protection contre la maladie.

Médecins de santé publique, pharmaciens, médecins libéraux et paramédicaux, tirent la sonnette d’alarme. « Nous faisons le constat aujourd’hui, que même au niveau de la wilaya de Blida (épicentre de l’épidémie du Covid-19), il y a un manque de moyens de travail notamment les masque FFP2 indispensables pour les professionnels de santé et dont l’approvisionnement est concentré au niveau de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH)”, déplore Lyes Merabet président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP).

Selon lui, les représentants de l’établissement de santé de Blida se déplacent au niveau de la PCH avec des bons de commande mais ils ne sont pas servis « tout simplement parce que le feu vert du coté du ministère n’a pas été donné ».

En plus des masques FFP2, les blouses aseptisées jetables, distribuées en quantités insuffisantes, font également défaut au même titre que les lunettes de protection, mais aussi les produits désinfectants indisponibles notamment au niveau des wilayas où l’épidémie sévit de manière accrue.

Cette situation a affecté les professionnels de santé, notamment à Blida où, signale Merabet, des médecins sont en confinement car suspectés d’être contaminés au coronavirus Covid-19.

« Nous constatons malheureusement que le minimum avec lequel on doit travailler n’est pas disponible aujourd’hui, et lorsque c’est disponible c’est vraiment en quantités dérisoires », relève Dr Merabet qui pointe un problème de gestion.

« Je me demande réellement s’il y a un plan ORSEC sanitaire (pour contrer la propagation du Coronavirus). Lorsque je dis plan ORSEC ça veut dire que ça engage les institutions de l’État et tout le gouvernement. Lors d’une réunion tenue le 11 mars dernier avec le ministre de la santé, le SNPSP a signalé tous les manques. Nous avons dit qu’il y avait problème au niveau de l’organisation, de la communication et de la coordination, et, surtout, qu’il y avait un problème de moyens. On nous a promis que ces questions étaient prises en charge et que tout allait être corrigé assez rapidement », raconte le Dr Merabet.

Mais depuis, les demandes des professionnels n’ont pas été prises en charge. « Jusqu’à aujourd’hui, nous avons des difficultés à trouver les moyens qui nous permettent de travailler. Or, il est primordial de protéger cette force que sont les personnels de santé pour faire face à cette épidémie », signale Dr Merabet qui tient à saluer les efforts du corps médical.

Le manque de moyens de protection se pose aussi pour les pharmaciens d’officine. Contacté pour savoir comment cette corporation gère cette situation, Messaoud Belambri, président du Syndicat national des pharmaciens d’officine (Snapo) lance : « Comment voulez-vous qu’on s’organise face à une rupture totale de gants, de bavettes, de gels hydro alcooliques ? Même l’alcool à l’état brut n’est pas disponible ».

Conséquence, deux pharmaciens sont contaminés à Blida. « Nous venons d’enregistrer deux cas confirmés à Blida, un couple de pharmaciens. Nous sommes dans l’attente de la confirmation d’un troisième cas », signale M. Belambri.

Selon lui, l’usage excessif de ces produits entraîne la rupture et même la commercialisation de produits à l’origine douteuse. À ce titre, Messaoud Belambri rappelle qu’une réunion avec le ministre du Commerce et le SNAPO a eu lieu, lundi 16 mars, sur sa demande, et lors de laquelle le syndicat a exposé les problèmes et les pratiques constatées sur le terrain, notamment par rapport aux difficultés d’approvisionnement, la rupture des produits et aussi les prix.

« Nous avons demandé d’assurer la sécurité de ces produits et leur fiabilité, la meilleure manière de garantir la qualité de ces produits et leur disponibilité et à des prix raisonnables. Aussi, nous avons dit qu’il faut réserver ces produits dans un souci de santé publique aux pharmacies », précise le président du Snapo.

M. Belambri se dit consterné par les accusations dont sont l’objet les pharmaciens, notamment à propos du surenchérissement des prix des produits de protection contre le coronavirus.

« Au lieu de contrôler le marché informel, on vient contrôler les pharmaciens à quel prix ils vendent. On se trompe de cible. Nous, pharmaciens, sommes des victimes au même titre que les malades et les citoyens, y compris sur le plan de notre santé puisque nous sommes exposés”, déplore-t-il.

« Des produits pharmaceutiques qui sont censés se vendre uniquement dans les pharmacies se retrouvent dans les supérettes, les kiosques à tabac, sur les trottoirs, les quincailleries… est-ce normal qu’on ne les retrouve pas dans les officines ? Même lorsqu’on trouve ces produits on refuse de nous les facturer ce qui leur permet de pratiquer des prix exorbitants. Je regrette que face à tout cela, le pharmacien se retrouve accusé. Pourtant, nous sommes les premiers à payer ! », s’indigne M. Belambri.

Les médecins libéraux ne sont pas en reste puisqu’ils se disent « oubliés » de la stratégie nationale de lutte contre le coronavirus. Eux aussi font état d’un manque de moyens de protection. « Je suis médecin et personne ne m’a donné quoi que ce soit. Il y a probablement des difficultés dans la distribution. Actuellement, il y a une spéculation énorme sur les gants et les autres produits d’hygiène. Il devrait y avoir des contrôles un peu plus serrés », réclame Dr Bekkat Berkani président du Conseil de l’ordre des médecins, qui regrette que les cabinets aient été délaissés par les pouvoirs publics.

« Aucune recommandation, aucun masque ni gant n’ont été distribués aux médecins privés. Nous achetons nous-mêmes nos gants et nos masques et les gels hydroalcooliques et on essaie de diagnostiquer comme on peut », souligne-t-il.

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