Les observations finales sur le quatrième rapport périodique de l’Algérie concernant la situation des droits de l’Homme publiées, jeudi 26 juillet, par le Comité des Nations Unies pour les droits de l’Homme fait état de plusieurs points noirs dans le domaine en Algérie, nombre d’entre eux concernent des faits liés à la décennie noire ou à la lutte contre le terrorisme.
La décennie noire toujours d’actualité
Parmi les sujets de préoccupation du Comité, les faits liés à l’application de charte pour la paix et la réconciliation nationale. Cette dernière « favorise l’impunité », selon le Comité car elle « éteint tout recours efficace et disponible pour les victimes de violations des dispositions du Pacte commis par les agents responsables de l’application de la loi y compris les forces armées et les services de sécurité ».
Le Comité réitère à ce sujet « ses préoccupations quant aux nombreuses graves violations qui auraient été commises et qui n’ont fait à ce jour l’objet d’aucune poursuite et condamnation ». Il recommande à l’Algérie d’amender la loi de la charte pour la paix et la réconciliation nationale pour qu’elle « n’entrave pas le droit à un recours effectif ». Le Comité recommande à l’État algérien de faire en sorte que les « graves violations des droits de l’homme » excluent leurs auteurs des grâces, commutations ou remises de peines et de l’extinction de l’action publique et fassent « l’objet d’enquêtes, des poursuites et de condamnations ».
L’article 46 de la charte est également pointé du doigt par le Comité qui a recommandé à l’Algérie de l’abroger. L’article qui punit de trois à cinq ans de prison et d’une amende quiconque « utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international ».
Pour le Comité, cet article « porte atteinte à la liberté d’expression et au droit de toute personne d’avoir accès à un recours effectif contre des violations des droits de l’homme ».
Une définition du terrorisme « trop large »
Le Comité reproche à l’Algérie une définition « trop large et peu précise » du terrorisme, contenue dans l’article 87 bis du code pénal, ce qui permet selon lui « la poursuite de comportements pouvant relever de la pratique de l’exercice de la liberté d’expression ou de rassemblement pacifique ».
Des allégations faisant état de « l’utilisation indue des dispositions antiterroristes à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme ou de journalistes » sont également un sujet de préoccupation pour le Comité.
Le Comité qui « reconnaît les exigences liées à la lutte contre le terrorisme » préconise la révision de l’article 87 bis du code pénal et les dispositions concernant la garde à vue des dans les affaires liées au terrorisme, notamment le droit des gardés à vue d’avoir accès à un avocat.
Les tortures et mauvais traitements « continueraient d’être pratiqués », selon le Comité qui se réfère à « des allégations » en faisant état. Ces allégations concerneraient notamment des « agents du Département de Surveillance et de Sécurité » qui agiraient « dans le contexte de la lutte contre le terrorisme ». Ces agents « échapperaient en pratique au contrôle du procureur de la République tout en bénéficiant des prérogatives de la police judiciaire », selon le Comité qui s’inquiète également du « faible nombre de poursuites à l’égard d’agents coupables d’actes de torture et de mauvais traitements ».
Le comité a toutefois pris note des affirmations de la délégation algérienne qui a présenté le rapport sur les droits de l’homme selon lesquelles « la pratique de la torture par des agents responsables de l’application de la loi serait désormais un phénomène résiduel ».
Détentions arbitraires
Alors que la délégation algérienne a affirmé qu’il n’existe pas de centre de détention secret en Algérie, le Comité « demeure préoccupé par les informations documentées faisant état de tels centres ».
Le Comité a exprimé son inquiétude quant à « des cas de détentions arbitraires ne semblant faire l’objet d’enquêtes ou de poursuites » et a déploré « l’absence d’informations quant aux cas individuels de Djameleddine Laskri, en détention depuis 24 années et de Ali Attar détenu sans mandat d’arrêt depuis février 2015 ».
Pour corriger ces points, le Comité recommande à l’Algérie de « s’assurer de la libération inconditionnelle de toute personne détenue de manière arbitraire et ouvrir des enquêtes efficaces et indépendantes sur toute allégation arbitraire », de « veiller à ce que la période de garde à vue ne dépasse pas 48 heures, de « garantir l’accès libre et non surveillé à un avocat pour tout détenu » et de « développer des mesures non privatives de liberté de substitution à la détention avant jugement ».