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M. Bouteflika, il y a des crimes qui n’admettent pas le pardon

M. Bouteflika, il y a des crimes qui n’admettent pas le pardon

Il y a quelque chose d’ironique dans l’imploration de pardon d’Abdelaziz Boutefilka adressée aux Algériens après sa décision de les libérer de son étau despotique.

Rappelons-lui d’abord que le concept de pardon n’a pas sa place dans le champ sociopolitique mais relève prioritairement de la sphère privée et religieuse.

Il est question dans ces cas de libérer un individu de la haine qui le tenaille et de neutraliser le sentiment de vengeance qui peut l’animer.

Mais même ici, le pardon est dépouillé de sens s’il s’abrite derrière des excuses tendant à nier la gravité des faits ayant déclenché sa demande. Sans compter qu’il y a des crimes qui n’admettent pas le pardon en raison de leurs effets.

Rappelons aussi au président déchu, qui est également l’un des concepteurs du système politique en place, que ses vingt ans de règne constituent un record à la tête de l’État algérien.

Sans compter ses 18 ans au poste de ministre des Sports et des Affaires étrangères puis de ministre conseiller auprès du président Chadli. Même durant sa traversée du désert, il est resté à la périphérie du régime.

Preuve en sont sa demande de représenter l’Algérie à l’ONU ou encore sa désignation au poste de président de l’État en 1995, qu’il a accepté avant de se dérober. Aucun homme politique algérien ne peut revendiquer une carrière aussi longue qui lui a permis de côtoyer les plus grands du monde.

Ainsi doté, il était bien prémuni contre les erreurs pour lesquelles il implore le pardon et qu’il se prive tout de même d’énoncer. Elles sont certainement trop nombreuses même pour sa tête « d’un jeune de 20 ans » (Abdelkader Mesdoua) qui « ne réfléchit pas avec ses pieds » (Amara Benyounes).

Au crépuscule de vie, il fait mine de descendre de sa statue de dieu révéré et de se reconnaître enfin comme un humain au milieu d’un peuple qu’il accusait de jouir de sa propre médiocrité.

« L’erreur étant humaine, je vous demande pardon pour tout manquement par une parole ou un geste à votre égard », supplie celui qui avait inauguré son règne par cette poussée de mégalomanie : « Je suis l’Algérie tout entière, je suis l’incarnation du peuple algérien, dites aux généraux de me bouffer s’ils peuvent le faire », provoquait-il depuis Crans Montana, en Suisse.

Encore une parole ? C’était juste avant sa première élection, au moment du retrait de ses six adversaires convaincus d’avance de la fraude qui allait le porter au pouvoir. On le sait, le candidat des généraux avait exigé de ses sponsors un score bien plus élevé que celui de Zeroual en 1995.

« Si je n’ai pas un soutien franc et massif du peuple je considère qu’il est heureux dans sa médiocrité ; après tout je ne suis pas chargé de faire son bonheur malgré lui ».

En Kabylie où il est mal accueilli quelques mois après dans le cadre de sa campagne pour la concorde civile, il traite les habitants de la région de « nains ». Qui sait si ce n’est ce mépris qui a conduit un escadron de gendarmes à pourchasser des adolescents dans un village, finissant par tuer l’un d’entre eux dans les locaux mêmes de la brigade.

La révolte contre cet acte s’est traduite par un lourd bilan : les forces antiémeute de la police et les gendarmes ont chargé sans discernement, tuant 126 personnes et blessant des milliers d’autres.

Le massacre a duré des jours, couvert par le silence du président Bouteflika. Ses zélateurs ont même poussé l’indécence jusqu’à proposer son nom au prix Nobel de la Paix, continuant d’offenser les familles des victimes. Il ne l’aura pas !

À Ghardaïa des jeunes restent encore détenus à la suite des troubles qui ont secoué la vallée du M’zab en 2014. Des dizaines de personnes sont mortes dans des circonstances où le comportement des forces de sécurité ne fut pas exempt de reproche, sans doute encouragées par l’impunité qui a suivi le « printemps noir ».

Des soldats et des policiers ont été impitoyablement matraqués quand ils ont demandé un minimum de réparation pour avoir contribué à soustraire le pays au terrorisme et à y rétablir la paix.

Sous leurs yeux, ces combattants ont vu se déployer l’arrogance des « repentis » couverts de gloire et de dinars et s’étaler l’insolente richesse de parvenus dont le seul mérite est de s’être débarrassé de toute morale.

Le virus de la corruption, favorisé par les pétro-dollars, a été injecté dans le corps social comme le moyen de s’amender des crimes condamnés par la Cour des comptes en 1983. Une manière de dire que « tout le monde est pourri ».

D’autres gestes offensants ? Bouteflika et les privilégiés de son système, vont se soigner en France et en Suisse quand les hôpitaux du pays manquent des soins de base. Pendant ce temps, les médecins sont aussi matraqués pour avoir justement demandé les moyens de bien soigner leurs concitoyens. Un crime !

Pendant son règne, Bouteflika a privé les plus doués des enfants du peuple de la bourse d’excellence. Les bacheliers avec la mention « très bien » sont exclus du dispositif par un système qui privilégie les enfants de… , ceux qui souvent ont le bac sans mention.

En somme, les vrais médiocres qui , une fois bien installés à l’étranger, vont créer des sociétés pour faire de l’export vers l’Algérie de papa. Ceux-là bien sûr ne finiront pas (grâce à Dieu) au fond de la méditerranée devenue un cimetière pour désespérés. L’annonce de la fin de Bouteflika a redonné espoir et le fleuve de la « harga » s’est tari.

Maintenant qu’il est déchu, M. Bouteflika demande aux futurs dirigeants d’accorder une « attention particulière aux jeunes et aux femmes ».

Quelle ironie de la part de celui qui a fait de la haute administration et de la responsabilité politique le sanctuaire des dinosaures, ancrés dans leurs fonctions.

Au fil des ans, ils ont vidé de son sens le service public, au point de se croire propriétaires de leurs postes. Le mérité a été remplacé par l’allégeance quand ce n’est pas simplement par la cession de la dignité. L’affaissement moral a atteint des abysses insondables. Et ce ne sont pas le moindres crime !

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