Emmanuel Macron a entamé lundi 28 octobre une visite d’État de trois jours au Maroc. En France, ce déplacement présidentiel est vu à travers le prisme algérien par ceux-là même qui ont mis la pression et obtenu de Macron de se détourner de l’Algérie pour renouer avec “l’allié historique” marocain.
Le président français s’est rendu à Rabat après plusieurs années de brouille avec Mohammed VI. La réconciliation s’est faite au prix d’une énorme concession faite sur la question du Sahara occidental par la France qui a reconnu “la souveraineté marocaine” sur ce territoire occupé. L’autre prix payé est l’abandon de l’ambitieux projet de construire une nouvelle relation avec l’Algérie.
En France, il y a comme une volonté de justifier ce choix qui se dégage des débats autour du voyage marocain d’Emmanuel Macron. La comparaison entre les deux voisins maghrébins est omniprésente dans les débats, avec souvent de bons points servis au Maroc et de moins bons pour son voisin.
Les comportements répréhensibles du pouvoir marocain et de ses services sont complètement occultés, des atteintes aux droits de l’homme en interne à l’espionnage des téléphones de nombreux responsables étrangers, dont celui du président français lui-même, en passant par le marchandage de la bombe migratoire ou encore les énormes quantités de drogue qui arrivent en Europe en provenance du royaume.
Avant même cette visite d’Etat, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait, à peine entré en fonction, noté avec la même iniquité les deux pays concernant la coopération sur la question des reconduites aux frontières. Il a promis de dialoguer avec le Maroc “un pays, a-t-il dit, que je respecte énormément” et d’aller au “bras de fer” avec l’Algérie qu’il a mise dans la case des “pays récalcitrants”.
La dichotomie Algérie-Maroc revient avec d’autant plus de force à l’occasion du déplacement à Rabat d’Emmanuel Macron. Celui-ci s’est d’ailleurs cru obligé de préciser dans son discours devant le Parlement marocain que la nouvelle position de la France sur le Sahara occidental “n’est hostile à personne”, dans une allusion claire à l’Algérie.
France : la visite de Macron au Maroc vue à travers le prisme algérien
Intervenant mardi sur LCI, Gilles Delafon, chercheur à l’Institut Thomas More, n’a pas tari d’éloges sur le Maroc, un pays, selon lui, “dynamique économiquement”, “bourré d’entreprises”, “qui travaille énormément le marché africain” et qui est “ intelligent”. “Je ne dirai pas la même chose de l’Algérie”, a-t-il comparé.
“Quand on va au Maroc, on est très bien reçus. C’est un peu le contraire du pays voisin qui est passé sur le ressentiment de la France. Raison pourquoi d’ailleurs ce pays (le Maroc) s’en sort mieux”, a attaqué de son côté l’essayiste Gilles-William Goldnadel.
Ce partisan notoire du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu est allé trop loin en jugeant le pouvoir marocain “davantage amical” que ne l’est l’Algérie envers “sa population berbère”, oubliant la féroce répression qui s’est abattue sur le hirak du rif marocain.
Ceux qui prêtent aujourd’hui au Maroc toutes ses qualités qu’il n’a pas sont les mêmes qui, comme Goldnadel, font tout pour maintenir la position française en faveur du gouvernement extrémiste de Benyamin Netanyahou.
Des voix sensées s’élèvent toutefois en France pour mettre en garde contre la tentation de faire trop confiance au Maroc et de tourner le dos à l’Algérie. “J’espère que cette visite ne se traduira pas par une dégradation forte de nos relations avec l’Algérie. Parce que si on perd avec l’Algérie ce qu’on gagne avec le Maroc, on sera passé à côté du sujet”, a analysé l’ancien haut fonctionnaire Patrick Stefanini à la veille du voyage d’Emmanuel Macron à Rabat.
Dans son éditorial de ce mercredi 30 octobre, le journal Le Monde a employé les mots justes pour alerter sur les retombées de la nouvelle orientation de la politique maghrébine de la France. “Paris n’a aucun intérêt à négliger l’Algérie, un partenaire essentiel, aussi bien sur le plan humain que dans les domaines migratoire, économique et sahélien, ni à tout miser sur le Maroc, un pays à la gouvernance parfois erratique”, a écrit le média français.