Emmanuel Macron se rend accompagné d’une importante délégation, en Algérie du 25 au 27 août. Une visite dite d’amitié et non d’Etat dans le but de rétablir des relations saines entre les deux pays. Renforcer les liens semble plus qu’urgent au moment où la France subit de plein une crise de l’énergie.
Emmanuel Macron visitera Alger et Oran
Alger, Oran, voir les jeunes algériens, qu’ils soient artistes ou entrepreneurs, rendre hommage à l’histoire et même visiter la mythique boutique Disco Maghreb dans le centre-ville de la deuxième ville d’Algérie.
| Lire aussi : Entretien avec Marc Sédille, Consul général de France à Alger
Emmanuel Macron est attendu en Algérie avec beaucoup d’ambitions et un programme étonnant. À l’Elysée, on explique qu’Emmanuel Macron veut voir toute l’Algérie, pas seulement celle de la Capitale et les aspects officiels. Un long séjour pour souligner “l’importance” que représente la relation de la France avec l’Algérie.
| Lire aussi : Mémoire Algérie-France : l’approche de Tebboune sera-t-elle la bonne ?
Le président français va effectuer sa première visite en Algérie depuis sa réélection à la tête de la France en avril dernier et depuis celle de Abdelmadjid Tebboune en décembre 2019.
Il ne s’agit pas d’une visite d’Etat, même si elle garde un caractère officiel. C’est “une première étape” décidée par les deux présidents, précise l’Elysée, qui espère qu’elle impulsera d’autres échanges entre les deux pays et pourquoi pas peut-être donner lieu à une visite d’Etat plus tard.
Un tête à tête avec Abdelmadjid Tebboune
La visite commencera le 25 août, avec l’arrivée du président français dans l’après-midi. Le premier jour, Emmanuel Macron assistera à une cérémonie d’hommage aux Martyrs puis s’entretiendra en tête à tête avec Abdelmadjid Tebboune au Palais d’El Mouradia.
| Lire aussi : La France agitée par la mémoire franco-algérienne
Les deux chefs d’Etat ont beaucoup de thèmes à évoquer ensemble et surtout ils doivent décider ensemble du fil directeur de cette visite en Algérie.
La venue d’Emmanuel Macron a été longuement préparée pour qu’elle convienne aux deux pays. La diplomatie sera le maître mot du séjour d’Emmanuel Macron en Algérie. La première journée se conclura par un dîner organisé par le président algérien, des invités algériens ainsi que des membres de la délégation française.
| Lire aussi : Visite du Grand-rabbin de France en Algérie : Makri met en garde
Le président français sera accompagné d’une délégation composée de 90 personnes. La liste définitive n’a pas été communiquée car elle pourrait changer avant le grand départ.
A ses côtés, plusieurs ministères stratégiques seront présents. Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, Catherine Colonna la ministre de l’Europe Affaires Etrangères Rima Abdul Malak, la ministre de la Culture ou encore Patricia Miralles, secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire.
Le choix des membres du gouvernement laisse deviner les sujets qui seront abordés durant le séjour entre les différents acteurs : économie, énergie, visas, mémoire, diplomatie ou encore coopération militaire.
Emmanuel Macron sera également suivi par des personnalités impliquées dans les relations entre les deux pays. Un casting très diversifié qui comprendra aussi des députés français, d’anciens ministres comme Jack Lang ou Jean-Pierre Chevènement feront partie du voyage. Des personnalités médiatiques d’origine algérienne seront aussi du voyage. Le journaliste Rachid Arhab et le chef cuisinier Mohamed Cheikh ont été invités.
L’envie de renforcer la coopération économique
De nombreux entrepreneurs se joindront aussi au voyage du président français. L’Elysée assure avoir voulu surtout privilégier la présence de plusieurs petites et moyennes entreprises plutôt que les grands groupes, qui seront en nombre réduit.
Emmanuel Macron sera tout de même accompagné de figures majeures de l’économie française. L’homme d’affaires Xavier Niel à la tête du groupe Iliad ou encore Catherine MacGregor, la directrice générale du groupe énergétique Engie.
Aussi, les représentants d’importantes institutions comme l’Agence de développement française (AFD), le directeur général de la BPI ou encore d’Unifrance, laissent deviner le besoin de redorer l’image de l’investissement français.
La coopération économique entre la France et l’Algérie se porte à merveille, assure l’Elysée. Cependant, Emmanuel Macron et sa délégation souhaitent la faire passer au stade supérieur et lui donner davantage d’amplitude.
La France dit également se tourner davantage vers l’avenir. Emmanuel Macron rencontrera le vendredi des “jeunes entrepreneurs, startuppeurs et porteurs de projets algériens”, précise la présidence française. Une rencontre plutôt informelle pour comprendre le contexte algérien et découvrir les initiatives au sein de la jeunesse.
Le gaz au cœur des échanges
Le contexte et la présence de Catherine MacGregor ou encore de Bruno Le Maire, laisse deviner que la crise du gaz va s’inviter dans le séjour amical d’Emmanuel Macron. Le gaz algérien fait des envieux en cette période de crise mondiale. Difficile d’éluder le sujet.
Toutefois, du côté de l’Elysée on assure qu’il ne faut pas s’attendre à d’annonces tonitruantes sur la question du gaz. Pas de nouveaux contrats, mais plutôt un moyen pour la France de s’assurer que l’approvisionnement algérien est fiable et solide au vu de l’hiver difficile qui s’annonce pour la France.
Alors que l’Algérie a fortement renforcé son approvisionnement vers l’Italie, la France semble vouloir vérifier qu’elle aussi pourra compter sur l’Algérie si elle doit être privée du gaz russe.
Relancer les échanges humains
La question des visas pour la France devrait également s’imposer. Du côté de l’Elysée, on assure qu’il y a une amélioration sur cette partie épineuse de la relation franco-algérienne.
La France avait choisi l’an dernier de diviser l’octroi de visas aux Algériens par deux. Des représailles pour contester le refus de l’Algérie de délivrer des laissez-passer consulaires aux Algériens ayant une obligation de quitter le territoire français.
Sur ce dossier, Paris reconnaît un pas en avant du côté algérien. Depuis mars 2022, davantage de laissez-passer consulaires ont été délivrés par l’Algérie à ses ressortissants. “Le niveau de coopération s’améliore, le taux de délivrance de laissez-passer consulaire a retrouvé les niveaux d’avant covid-19”, précise-t-on à l’Elysée.
300 laissez-passer consulaires ont été donnés contre 17 en 2021 sur la même période. L’Algérie a aussi levé l’obligation du test PCR pour ces personnes concernées par le retour dans leur pays.
Libres de refuser le test PCR, beaucoup de clandestins algériens n’ont pas pu être renvoyés en Algérie car ils n’avaient pas la preuve de non contamination au covid-19. Un geste apprécié du côté français, qui laisse entendre qu’il pourrait relancer les discussions sur l’octroi des visas étant donné cette nouvelle donnée.
La baisse du nombre de visas n’a pas vocation à se pérenniser précise-t-on du côté de l’Elysée sans assurer que des accords pourraient être considérés lors de la visite d’Emmanuel Macron avec son ministre de l’Intérieur.
La diplomatie culturelle et mémorielle en force
Lors de cette visite, la culture n’a pas été mise de côté. Bien sûr l’histoire et la mémoire seront certainement évoquées. La visite intervient l’année du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie et aussi après d’importantes tensions diplomatiques entre la France et l’Algérie, en raison de propos d’Emmanuel Macron sur le système politique algérien et les restes de la mémoire de la Guerre d’Indépendance.
Le président français tend la main à l’Algérie sur ce sujet. Il sera accompagné de l’historien Benjamin Stora, mais aussi quelques-uns des jeunes descendants d’Algériens, qui avaient participé à une réflexion autour de la mémoire algéro-française. La France veut “poursuivre le travail d’apaisement des mémoires”, de cette visite, même si l’Elysée rappelle que ce n’est “pas l’objectif premier de cette visite”.
Dans une idée de réconciliation, Emmanuel Macron sera également accompagné du Haïm Korsia, le Grand Rabbin de France dont les parents sont nés à Tlemcen et Oran.
Des moments de recueillement sont d’ailleurs prévus au cimetière Saint-Eugène à Alger le deuxième jour de visite. Le Grand Rabbin et l’Evêque d’Alger se rendront dans les parties chrétienne et juive du cimetière. Le Grand Rabbin participera à d’autres étapes du voyage comme le dîner organisé par Abdelmadjid Tebboune. Une première en Algérie.
Enfin, la culture à proprement parler sera au centre de la visite. Le directeur général du CNRS, la ministre de la Culture, une myriade d’artistes et d’acteurs médiatiques s’intéresseront à la culture, la recherche et l’art algérien.
Emmanuel Macron rencontrera d’ailleurs de nombreux artistes algériens. Il a prévu un dîner à Oran avec le journaliste et écrivain Kamel Daoud – qui fait partie de la délégation – et d’autres personnalités oranaises.
Il assistera aussi à une démonstration de breakdance, à Oran. Il se rendra enfin au centre-ville pour visiter à son tour la boutique Disco Maghreb, que DJ Snake a rendu populaire grâce à son dernier titre qui rencontre un succès mondial.