Le suspense aura donc été interminable. Le dénouement historique. « On tourne clairement aujourd’hui une page de la vie politique française », a déclaré en début de soirée à l’AFP Emmanuel Macron, candidat sans étiquette en tête de ce premier tour de la présidentielle, avec 23,7% des voix face à Marine Le Pen (22%).
« En une année, nous avons changé le visage de la vie politique française », a lancé le vainqueur devant ses partisans au Parc des Expositions, à Paris, aux alentours de 22h30. « Je souhaite, dans quinze jours, rassembler et devenir votre président. La force de ce rassemblement sera déterminante pour présider, pour gouverner et pour rompre avec le système incapable de résoudre les problèmes de notre pays depuis plus de trente ans », a promis l’ancien ministre de l’Économie qui n’a jamais exercé le moindre mandat.
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La droite et la gauche éliminées
Les deux grandes forces politiques du pays depuis la Ve république se retrouvent donc absentes du second tour. François Fillon, candidat de la droite et du centre, n’obtient que 19,5% des suffrages. À 20h42, il a pris la parole à son QG de campagne. « Malgré tous mes efforts, malgré ma détermination, je n’ai pas réussi à vous convaincre. Les obstacles mis sur ma route étaient trop nombreux, trop cruels », a-t-il dit.
Dans la foulée, il a appelé à voter Emmanuel Macron pour faire barrage au front national. « Il nous faut choisir ce qu’il y a de préférable pour notre pays ». « L’abstention n’est pas dans mes gênes, surtout lorsqu’un parti extrémiste s’approche du pouvoir ». Bref, la droite se retrouve dans une situation identique à celle de la gauche en 2002. La gauche éliminée au premier tour avait alors appelé à voter pour Jacques Chirac face à Jean-Marie Le Pen.
Quant au candidat du Parti socialiste, le résultat s’est révélé plus désastreux que celui avancé depuis des semaines. Benoît Hamon réalise un score historiquement bas, avec 6,2%, selon les estimations.
Le pire score pour le parti depuis Gaston Defferre, en 1969. Autant dire que le PS, parti de l’actuel président de la République, est complètement atomisé. « J’ai échoué à déjouer le désastre qui s’annonçait depuis plusieurs mois », a lancé Benoît Hamon depuis son QG de campagne.
« L’élimination de la gauche par l’extrême droite pour la seconde fois en quinze ans n’est pas seulement une lourde défaite électorale, elle signe pour notre pays aussi une défaite morale, en particulier pour la gauche » a reconnu Benoît Hamon. Il a dans la foulée appelé à voter pour l’ancien ministre de l’Économie.
Mélenchon ne donne pas de consigne de vote
Alors que les estimations s’affinent au cours de cette incroyable soirée électorale, Jean-Luc Mélenchon ne reconnaît, pour l’heure, pas les résultats donnés. Mais il perd de toute évidence une nouvelle fois son pari, et n’obtient que 19% des voix, derrière François Fillon. « Le résultat annoncé depuis le début de la soirée n’est pas celui que nous espérions », a lancé le candidat de la France insoumise, le visage fermé. « Médiacrates et oligarques jubilent. Rien n’est plus bon pour eux qu’un second tour entre deux candidats qui veulent prolonger les institutions actuelles et n’expriment aucune conscience écologique. Qui, les deux, souhaitent s’en prendre aux acquis sociaux ». Il a toutefois refusé de donner une consigne de vote pour ce duel qui opposera Macron à Le Pen le 7 mai.
Le FN, deuxième force politique
Si l’élimination de la droite et de la gauche dès le premier tour est historique, cette élection nous révèle également que l’extrême-droite est bel et bien installée au cœur du jeu politique français.
Marine Le Pen est qualifiée au second tour avec 21,9% des scrutins, et renouvelle la performance de son père en 2002. Ce n’est toutefois pas une surprise. Depuis des mois, les instituts de sondages donnaient la candidate frontiste qualifiée. Certes, il y a peu d’espoir pour que Marine Le Pen accède à l’Élysée dans 15 jours, mais force est de constater que son parti représente désormais la deuxième force politique du pays, et pulvérise les formations traditionnelles.
Dimanche soir, ce sont donc deux France qui s’opposent. Celle du protectionnisme, du rétablissement des frontières, de la lutte acharnée contre l’immigration. Et celle de l’ancien ministre de l’Économie de François Hollande, résolument libéral, partisan de la mondialisation, de l’Union européenne maintenue en l’état. Même si Macron gagne l’élection présidentielle dans deux semaines, il faudra toutefois en tenir compte. 2002 n’était pas un accident, mais bien le début d’une tendance bien ancrée dans le paysage politique français.
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