C’est dans un contexte de fortes tensions entre l’Algérie et le Maroc, et de rapprochement inédit entre ce dernier et Israël, que le président de l’Autorité palestinienne a choisi de se rendre à Alger. C’est la première visite de Mahmoud Abbas en Algérie depuis 2014.
M. Abbas est reçu avec tous les honneurs dus à son statut de chef d’Etat par le président de la République Abdelmadjid Tebboune, qui s’est déplacé à l’aéroport international d’Alger pour l’accueillir à son arrivée dans l’après-midi de dimanche 5 décembre.
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21 coups de canon ont retenti et le président Tebboune a fait venir les plus hauts responsables de l’Etat et les représentants du corps diplomatique accrédité à Alger pour accueillir « l’invité de marque de l’Algérie », comme le qualifie l’agence officielle APS.
Les deux parties veulent placer la question palestinienne comme point central au prochain sommet arabe d’Alger en mars 2022. Un vœu réaffirmé par le président Tebboune dans sa déclaration à la presse à l’issue de sa rencontre avec Abou Mazen.
Le chef de l’Etat algérien a réitéré les mêmes positions de principe de l’Algérie, à savoir que le règlement du conflit ne peut survenir qu’avec la proclamation d’un Etat palestinien dans ses frontières de 1967, appelant les Etats arabes à revenir à l’occasion du prochain sommet au plan de paix arabe de 2002. Le président Tebboune a aussi annoncé l’octroi d’une aide de 100 millions de dollars à l’Autorité palestinienne.
Le tapis rouge déroulé au président palestinien, les avis tranchés exprimés et le chéquier sorti à l’occasion de cette visite portent un sens précis.
Il s’agit d’une réaffirmation du soutien inconditionnel de l’Algérie au peuple palestinien en lutte, un rappel plus que nécessaire dans cette conjoncture précise.
Si la nouvelle alliance entre le Maroc et Israël, qui ont récemment signé un protocole de coopération militaire, a parmi ses objectifs d’infléchir les positions de l’Algérie vis-à-vis des questions sahraouie et palestinienne, c’est raté.
L’Algérie a déjà fait savoir qu’elle continuera à soutenir le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et vient de réaffirmer qu’elle demeurera un soutien indéfectible pour le peuple palestinien, même si, à cause de l’initiative marocaine, elle doit se sentir maintenant comme un Etat qui fait face directement à Israël, pour reprendre les termes du ministre des Affaires étrangères Ramtane Lamamra.
Une posture intenable pour le Maroc ?
Pour Mahmoud Abbas, qui entame une tournée maghrébine en zappant le Maroc, c’est peut-être aussi une façon de se positionner par rapport à tout ce qui s’est passé dans la région ces derniers mois et de se démarquer de son rival, le Hamas palestinien dont le Leader Ismaïl Haniya a surpris tout le monde en se rendant en juin dernier dans le royaume, six mois après la signature des accords de normalisation et alors que les rapports entre le Maroc et l’Algérie se détérioraient.
En juin, le gouvernement marocain était encore dirigé par le PJD, une formation de la même obédience idéologique que le Hamas.
Au Maroc, on continue à soutenir contre tout bon sens que la normalisation n’affecte en rien le soutien du roi Mohamed VI et de son pays à la cause du peuple palestinien.
Un discours réitéré à la veille de la visite de Mahmoud Abbas à Alger par l’ancien chef du gouvernement marocain et leader des Frères musulmans locaux, Abdelilah Benkirane.
Le roi actuel du Maroc et son prédécesseur, son père Hassan II, ont toujours mis en avant leur statut de « président du comité Al Qods » pour se présenter en chantres de la défense de la cause palestinienne. Dans le même temps, leurs relations avec Israël étaient un secret de polichinelle, avec même des bureaux de liaison ouverts dans les deux capitales respectives jusqu’aux années 2000.
En arrangeant cette visite à Alger avec tous ses détails protocolaires hautement symboliques, Mahmoud Abbas tire en quelque sorte le tapis sous les pieds des dirigeants marocains. La posture qu’ils tentent d’adopter depuis une année, faite de normalisation effective et de soutien prétendu aux Palestiniens, sera plus intenable après cette tournée maghrébine d’Abou Mazen qui survient de surcroît après un accord militaire « honteux » entre le Maroc et Israël.
Mahmoud Abbas vient aussi apporter sa contribution au succès du prochain sommet arabe d’Alger que certaines parties chercheraient à faire échouer, selon le chef de la diplomatie algérienne.
« Certains travaillent pour saborder le prochain sommet. S’ils échouent, ils vont tenter de faire en sorte que la représentation soit insignifiante. Les masques sont tombés. Chacun est retourné dans le camp qui est le sien », a déclaré Ramtane Lamamra fin novembre à Al Quds Al Arabi.