Abdelaziz Rahabi étale sa vision des réformes en Algérie, évoque la question des détenus d’opinion, les conditions de réussite de l’initiative politique du président Tebboune, le poids de l’administration…
Dans le cadre de son initiative de la « main tendue », le président de la République a reçu au Palais d’El Mouradia, des chefs de partis politiques et des personnalités nationales.
A l’instar de l’ancien ministre de la Communication, Abdelaziz Rahabi qui était dimanche l’invité de la chaîne Ennahar TV. Durant son passage, M. Rahabi est revenu sur sa rencontre avec le président Tebboune et aussi livré sa vision en matière de gestion des crises. C’est sa troisième intervention dans le débat public depuis l’annonce de l’initiative de Tebboune.
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Face à l’évolution de la situation mondiale de plus en plus difficile à lire, l’ex-ambassadeur d’Algérie à Madrid a insisté sur la nécessité de constituer « un front interne fort », une lecture « unie » et d’avoir un « consensus national » concernant la politique étrangère du pays.
Partisan du dialogue, Abdelaziz Rahabi a estimé qu’il faut ouvrir les débats sur des dossiers relatifs aux questions qui touchent directement au quotidien du citoyen : l’éducation, la santé, les libertés individuelles et collectives…
« Tous les pays se construisent autour de cette base avec l’individu au centre de l’intérêt », a affirmé Rahabi. Lors de son entrevue avec le chef de l’Etat, l’ex-ministre de la Communication a expliqué avoir évoqué le sujet de la « souveraineté économique et industrielle » de l’Algérie que la crise du Covid-19 a posée de façon éclatante.
« On s’est rendu compte qu’on n’avait pas de bavettes, pas de médicaments… Une dépendance quasi à 100% de l’étranger », a observé M. Rehabi qui met en avant le fait que la souveraineté d’un pays est « amputée » lorsqu’elle à 100% dépendante de l’étranger dans l’industrie et le médicament.
L’ancien ministre de la Communication a été interrogé sur les réactions de rejet qu’ont opposé des formations politiques à la « main tendue » de Tebboune. Il a évoqué, à cet effet, l’absence de confiance chez la classe politique principalement l’opposition et la société civile. Et de rappeler les propositions de dialogue et de concertation lancées par l’opposition, toutes refusées par le pouvoir sous la présidence du défunt président, Abdelaziz Bouteflika (1999-2019).
« Si le pouvoir emprisonne encore des gens, ferme l’espace médiatique et bloque l’activité des partis…Toutes ces conditions ne favorisent pas le dialogue », a déclaré Rahabi.
« L’administration a pris la place de l’Etat »
Pour amorcer le dialogue, l’ex-ambassadeur d’Algérie en Espagne estime que le pouvoir doit d’abord engager des mesures d’apaisement, ajoutant que c’est à lui que revient la tâche de prouver « sa bonne foi ».
« Cela se traduit par des mesures quotidiennes, dans le discours politique, dans la façon de traiter les médias », note-t-il. « Il est du devoir du président de prendre l’initiative et il est du droit de tout un chacun d’y participer ou pas », ajoute-t-il.
Abdelaziz Rahabi s’interroge si l’administration est capable d’accompagner le discours politique du président Tebboune.
« L’administration s’est érigée comme un pouvoir. Et a pris la place de l’Etat, elle a sa propre logique, ses propres règles, sa clientèle…Le discours politique prône l’ouverture et (d’un autre côté) l’administration freine les réformes politiques», comme elle l’a fait pour les réformes sous les présidents Chadli et Zeroual, a indiqué Rahabi.
Toujours sur le volet politique, Abdelaziz Rehabi a mis en exergue la fermeture des espaces d’expression dans les médias publics et abordé la question de certains «détenus d’opinion politique», tout en soulignant bien qu’il défend ceux qui ont été incarcérés pour leurs « opinions politiques » et non pas pour des problèmes de diffamation ou d’insultes à l’égard des responsables ou tout simplement de citoyens algériens.
Abordant la question de la corruption, M. Rahabi considère que la lutte contre ce fléau doit être « la politique de l’Etat », ajoutant que pendant les 20 dernières années « l’Etat a créé la corruption » qui se voit à travers l’emprisonnement des oligarques.
Sur le volet de l’économie, Abdelaziz Rahabi pense qu’aucune politique économique ne peut réussir sans un consensus national, citant en exemple la politique des subventions.
Rahabi considère que le dialogue doit nécessairement être ouvert sur cette question qualifiée de stratégique – parmi d’autres dossiers-, et qui coûte au Trésor algérien entre 12 et 17 milliards de dollars par an.
Une subvention qui n’est pas orientée vers la catégorie qui en ouvre le plus droit, complète-t-il. « On importe un produit que consomment des millions d’Algériens entre celui qui touche 12 000 DA (par mois) et celui qui touche plus », expose-t-il.
Pour Abdelaziz Rahabi, la politique de redistribution des richesses ne peut réussir sans un « pacte national » et sans un consensus entre partis, syndicats et l’Etat. En sus des subventions, l’autre axe sur lequel a insisté Rahabi c’est la réforme de l’université, considérant qu’il n’est pas raisonnable qu’en Algérie « 50% du budget (du secteur) soit orienté vers la restauration, le transport et la résidence » au détriment de l’aspect académique.
Selon Rahabi, dans d’autres pays l’équation est inversée et 70% du budget consacré à l’université vont vers le volet académique. A cet effet, l’ancien ministre de la communication estime qu’il est opportun d’ouvrir un débat sur la réforme de l’université. Il plaide aussi en faveur de l’ouverture du débat sur les syndicats et leur degré de représentativité. Et Rahabi de suggérer que l’Etat peut instituer des lois pour protéger les travailleurs.