Cela fait plusieurs mois que le départ du gouvernement est dans l’air mais Noureddine Bedoui et son équipe sont toujours en place.
Décrié par la rue comme un vestige de Bouteflika, qui l’a désigné au poste le jour de son renoncement au cinquième mandat, le 11 mars, puis nommé ses ministres le 1er avril, la veille de sa démission, le Premier ministre est depuis régulièrement annoncé partant.
Pour ceux qui suivent les péripéties de la crise politique en cours, le dénouement passe par le départ d’au moins une partie des ‘B’ indésirables et beaucoup ont cru un moment avoir identifié celui qui allait être sacrifié lorsque, fin mai, le chef d’état-major de l’armée appelait à des « concessions réciproques ». La « concession », côté pouvoir, du moins croyait-on, ne pouvait être que le remplacement du gouvernement dont l’impopularité a quasiment paralysé l’activité publique.
Celle de Bedoui se limite en quatre mois à une conférence de presse loin d’être mémorable et deux déplacements à l’étranger, un en Arabie saoudite et un autre au Niger pour des sommets de la Ligue arabe et de l’Union africaine respectivement.
Ses ministres ne sont pas plus actifs et les rares qui s’aventurent sur le terrain sont dans le meilleur des cas chahutés par la population sinon chassés et leur visite empêchée.
Bien plus incroyable, un de ses ministres est pris dans la tornade des poursuites déclenchée par la justice. Abdelkader Benmessaoud, en charge du Tourisme, a été inculpé pour corruption et placé en « liberté provisoire » par la Cour suprême.
Le maintien du gouvernement est du reste perçu comme le principal facteur de blocage qui empêche l’avènement d’une solution politique à la crise, l’opposition et la rue mettant en avant la confiance nécessaire pour tout processus électoral honnête mais impossible à asseoir avec à la tête du gouvernement un ancien ministre de l’Intérieur sous l’autorité duquel six millions de parrainages avaient été « collectés » pour le candidat Abdelaziz Bouteflika.
Bien plus que la gestion des affaires courantes
Tout plaidait donc pour un départ de l’Exécutif, mais il y a comme un détail qui a échappé à tous ceux qui ont prophétisé sa chute imminente : ni Noureddine Bedoui ni aucun des membres de son gouvernement n’ont montré des signes qui pouvaient laisser penser que leur mission est limitée dans son objet et dans le temps.
Pour faire plus simple, ils ont fait et font toujours plus qu’expédier les affaires courantes. Si les mesures annoncées cette semaine en rapport avec le déplacement des supporters de l’équipe nationale en Egypte peuvent être mises dans la case des décisions qui ne peuvent pas attendre, celles prises dans le cadre de la préparation de la rentrée sociale qui n’interviendra que dans deux mois peuvent laisser déduire que l’Exécutif n’est pas partant, du moins pas dans l’immédiat. D’autant que des décisions autrement plus stratégiques sont actées ou soumises à débat régulièrement.
On pense notamment à tout ce qui a été dit ou décidé à propos de la planche à billets, les grands partenariats dans le domaine de l’énergie, le lourd dossier de l’industrie automobile, les dettes des jeunes promoteurs ou encore la place des langues étrangères à l’université.
Faut-il pour autant en déduire que le gouvernement est parti pour rester jusqu’à l’aboutissement de la solution constitutionnelle préconisée par le pouvoir, c’est-à-dire jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République ?
Ce serait faire une conclusion hâtive que de le penser avec un hirak qui ne faiblit pas et qui ne perd pas de vue ses revendications dont celle du départ de ce qui reste des ‘B’. Le dénouement de la crise, si tel est le souci du pouvoir et de la classe politique, devrait bien passer par de sérieuses « concessions »…