Quand on fait de la désunion un projet politique, on ne peut pas prétendre à un mandat national et on démontre que l’on a perdu le sens de la patrie. C’est bien cela qu’a fait Abderezak Makri qu’on ne peut pas soupçonner de dérapage incontrôlé connaissant la maîtrise que le dirigeant islamiste exerce sur son propre discours.
Le représentant des « frères » en Algérie aura beau vouloir préciser ou recontextualiser ses propos sur l’Algérie qu’il ne fera que s’enfoncer. Pris de panique à l’idée d’être associé au complot contre l’armée, Makri a cru pouvoir s’acheter une âme d’innocent en dénonçant une relation suspecte qu’entretiendrait la Kabylie avec la France. Le discours anti-français étant en vogue ces derniers temps, le dirigeant du MSP a pris la vague avec l’espoir d’une reddition réussie sans frais.
Makri a profité d’une émission vue sur la chaîne El Bilad pour décréter cette fatwa : « L’émission donne une image claire de la conspiration de la France dans la région de Kabylie, ce qui explique de nombreux phénomènes que l’on voit aujourd’hui ». Le propos s’est voulu habile en évoquant une conspiration de l’ancienne puissance coloniale. Mais l’essentiel concerne ces « phénomènes » persistants et qui de son point de vue sont « nombreux ». Mais de quoi s’agit-il donc, M. Makri ?
Géographiquement, la Kabylie englobe Sétif et Kherrata dont il faut rappeler en ce mois de mai le martyre, considéré comme un crime contre l’humanité de l’aveu même des responsables français. La répression fut suivie dès 1947 de la création en Kabylie des premiers maquis pour l’indépendance. Krim Belkacem en fut parmi les précurseurs avant de figurer parmi les premiers dirigeants de la Révolution avec d’autres enfants de la région comme Didouche Mourad et Ait Ahmed, par le sang unis à Mohamed Boudiaf, Mustapha Benboulaïd et tous les autres frères de combat.
Que M. Makri se rende au ministère des anciens Moudjahidine pour prendre connaissance du nombre de victimes que les opérations successives de l’armée françaises ont laissées en Kabylie : martyrs, veuves, orphelins, estropiés pour comprendre que les liens suspects qu’il évoque n’existent pas dans cette région où la langue française est le maigre butin légué par la colonisation qui a aussi poussé les habitants à un exode massif.
En stigmatisant une région tout entière, l’islamiste modéré s’est définitivement délesté d’un destin national dont il peut encore rêver. Après avoir passé l’automne à jouer le destin du pays avec Saïd Bouteflika le voici se précipitant dans les bras du chef de l’état-major de l’armée aux yeux de qui les conclaves ne furent que des complots contre le commandement de l’armée.