Politique

Malgré la répression, les travailleurs marquent le coup : “pas d’élections avec les gangs”

Pour la première fois depuis 2001 et l’interdiction des marches à Alger, les syndicats et travailleurs algériens ont pu célébrer la fête du Travail ce mercredi 1er mai par une manifestation de rue dans la capitale, malgré la répression et la fermeture des routes.

L’appel à marcher ce mercredi 1er mai a été lancé par la Confédération des syndicats algériens (CSA) qui compte une douzaine de syndicats autonomes, ainsi que par des sections « dissidentes » de l’UGTA qui ont rejoint le mouvement populaire contre le pouvoir en demandant le départ du Secrétaire général du « syndicat maison », Abdelmadjid Sidi Said.

« Sidi Said dégage ! »

Dès 9 heures du matin, plusieurs centaines à plusieurs milliers de travailleurs d’Alger et des wilayas voisines sont rassemblés devant le siège national de l’UGTA. L’imposant bâtiment est protégé par un imposant dispositif policier. Camions de CRS, canons à eau et policiers à pied en grand nombre sont déployés autour du célèbre édifice. Plus tard dans la matinée, un épais cordon de CRS sera dressé sur la rue menant à la place du 1er mai et empêchera les manifestants rassemblés de marcher vers le centre d’Alger, mais en face du siège de l’UGTA, il n’y a pas eu de heurts graves entre police et manifestants.

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Les travailleurs de tous les secteurs d’activité ont scandé de nombreux slogans, reprenant, de façon générale, ceux des marches du mouvement populaire. « Système dégage ! », « Yetnehaw gâa » (ils partiront tous !), ont été souvent repris ce mercredi.

Au même moment, un rassemblement se tient à la Grande Poste avec plusieurs centaines de manifestants. En haut du perron de l’édifice historique, une grande banderole est déployée : « Les travailleurs sont inébranlables, ils demandent le changement », y ont inscrit les syndicalistes. Le changement, principale revendication des travailleurs lors de leur fête, a été exprimée par plusieurs slogans. « Makech intikhabate mâa lâaissabate ! » (pas d’élections avec les gangs », ont-ils longuement scandé, rejetant la tenue des élections du 4 juillet tant que Bedoui et Bensalah sont au pouvoir.

Vers le début d’après-midi, le dernier discours du chef de l’état-major est relayé parmi les manifestants suscitant des réactions mitigées. « Le chef d’état-major appelle à dialoguer, c’est bien, on est pour le dialogue mais pas avec Bensalah et Bedoui. Le peuple veut dialoguer mais à condition que ces personnes quittent réellement le pouvoir », explique Mohamed qui se présente comme un « syndicaliste tout court ».

Parmi les pancartes et banderoles brandies par les manifestants, de nombreuses appellent au départ immédiat de Sidi Said et de ses proches. La « clique » ou « la bande » comme l’appellent les manifestants sont accusés d’avoir « détourné le syndicat à leur profit personnel », affirme un des manifestants.

« Pas de baisse de la mobilisation »

La marche de ce mercredi a été « une réussite », selon plusieurs syndicalistes. « Ça a été une réussite malgré tous les moyens qu’ils ont déployés pour nous empêcher de marcher », affirme, confiant, l’un des manifestants.

« Le seul hic c’est le blocage par les forces de l’ordre des routes qui mènent vers Alger et le siège de l’UGTA qui est barricadé par la police », dénonce Lhadi, enseignant. « Il y a des barrages jusqu’à l’entrée d’Alger, du côté des Bananiers, par exemple, et à la sortie de Tipaza. C’est une façon de faire croire que le nombre de manifestants diminue alors qu’en réalité, des dizaines de milliers sont bloqués sur les routes », explique-t-il dépité.

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Bousculades et gaz lacrymogène

Les manifestants ont tenté de marcher selon le parcours décidé par les syndicats du CSA. Les marcheurs, après un rassemblement au niveau de l’UGTA, devait entamer leur marche, à 10 heures, en direction de la rue Hassiba Ben Bouali, puis le Boulevard Amirouche pour déboucher sur la Grande Poste où un nouveau rassemblement devait se tenir. Mais c’était sans compter sur l’imposant dispositif policier déployé. Vers 10 heures et demi, des dizaines de policiers barrent l’accès à la rue Hassiba, les manifestants, quelques centaines tout au plus, se heurtent à un premier mur de CRS qui est vite forcé et débordé, chose que les travailleurs ne pourront reproduire au niveau du deuxième cordon.

En sous-nombre face aux policiers, malgré les renforts d’étudiants qui ont rejoint la marche, le groupe de manifestants qui voulait marcher vers la Grande Poste est arrêté sur place. À leurs tentatives de forcer le passage, les policiers répondent en usant de sprays lacrymogènes, avant de repousser les manifestants en les poussant avec leurs boucliers. Des évanouissements, quelques légères blessures sont déplorées parmi les manifestants. Lors d’une bousculade, un manifestant est interpellé et éloigné par la police.

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« Pourtant, eux aussi sont des travailleurs », lance une manifestante, les yeux rouges et humides. « Ils essaient de nous empêcher d’arriver à Alger et une fois ici, ils nous gazent et nous agressent ! On comprend bien que le système est toujours le même ! », s’insurge-t-elle, avant de s’accroupir pour s’essuyer le visage avec un mouchoir imbibé de vinaigre tendu par sa camarade.

« Nous avons marqué le coup, malgré tout ce qu’ils ont essayé comme méthodes de répression », se réjouit un travailleur d’une société privée de fabrication de jus. « La marche du Premier mai était une tradition, un défilé imposant chaque année mais pendant plusieurs années, on n’a pas pu le faire à Alger, c’est un retour aux sources du syndicalisme, la reconquête d’un droit », dit une chargée de clientèle dans une banque privée.

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