« Solidaires ! Solidaires ! Ne touchez pas mon confrère », « Jusqu’au bout, on est toujours avec vous ! », « On ne veut pas le nouveau projet de loi sur la santé », scande un médecin résident pour galvaniser ses camarades qui commencent à se rassembler au sein du CHU Mustapha Bacha pour tenter une marche dont l’objectif est d’interpeller le président qui effectue aujourd’hui une visite à Alger. « Qu’est-ce qu’on veut ?», tonne-t-il. « Dignité », répondent les manifestants présents sur place.
Dans la matinée de ce lundi 15 mai, la grande foule n’est pas au rendez-vous. « Ils (policiers) ont déjà arrêté 400 personnes (médecins résidents) dans plusieurs villes. Ils sont dans des commissariats. Ils interpellent toute personne jeune et lui demande la carte professionnelle. Ils ont empêché certains de prendre le train (à Tizi Ouzou) », explique Mohamed Taïleb, membre du Comité autonome des médecins résidents algériens (CAMRA). Cette action est une « interpellation du président » sur le ministère de la Santé qui ne veut pas trouver des solutions » et qui cherche plutôt à « casser la grève », selon lui.
Ils sont à peine deux cents médecins résidents plus d’une heure après le début du rassemblement. Mais tous refusent de parler de l’essoufflement du mouvement. « Ce n’est pas un essoufflement. Cela fait six mois. Les gens sont fatigués. Mais ils ne renoncent pas », affirme l’un d’eux. Malgré leur nombre réduit, les médecins résidents entament une marche au sein du CHU Mustapha Bacha d’abord. « Respect ! Dignité ! Solidarité ! », « Y en a marre, ça suffit », « maranach khayfin (on n’a pas peur) », scandent-ils.
Les manifestants descendent ensuite vers le grand portail de l’établissement qui donne sur la place du 1er mai. Il est fermé. Derrière ses grilles, des policiers anti-émeute et un camion autopompe. « Ya lil aar, ya lil aar, wizara bila karar (quelle honte, quelle honte, un ministère incapable de prendre des décisions) », tonnent-ils en essayant, à plusieurs reprises, de forcer le portail afin de sortir. Les policiers actionnent l’autopompe. « Pouvoir assassin ! Pouvoir assassin », répliquent les manifestants avant de commencer peu à peu à se disperser. L’affrontement n’aura pas lieu.
Tous ont conscience de l’impasse dans laquelle ils se retrouvent aujourd’hui. Entre eux, ils parlent notamment des salaires qu’ils n’ont pas perçus depuis six mois. « Moi et mon mari sommes des résidents. On a un enfant qu’on a laissé chez nos parents parce qu’on n’arrive pas à joindre les deux bouts. Pour pouvoir résister, j’ai dû vendre mes bijoux », assure une résidente. Malgré les contraintes et les nombreuses difficultés, elle et ses amis refusent d’abdiquer. « On a marre de la hogra pédagogique et de la hogra administrative. On a marre de service de cache-misère à ce système», lâche un médecin orthopédiste.
Hier, des délégués de la Camra ont rencontré le ministre de la Santé. Hazbellaoui « a conditionné la reprise du dialogue par la reprise des gardes », précise Mohamed Taïleb. La rencontre n’a pas duré longtemps. « Nous lui avons dit qu’on n’a pas entamé l’arrêt des gardes pour rien », ajoute notre interlocuteur. Selon lui, la démission collective des médecins résidents est toujours en discussion.