Les observateurs l’avaient prédit et ils ne se sont pas trompés. Le retour de Ramtane Lamamra à la tête du ministère des Affaires étrangères s’est accompagné d’un regain d’activité tous azimuts de la diplomatie algérienne.
Nommé début juillet comme ministre des Affaires étrangères en remplacement de Sabri Boukadoum, Lamamra n’a pas perdu son temps.
Avec la rencontre des voisins de la Libye qui s’est achevée ce mardi 31 août à Alger, le chef de la diplomatie algérienne en est à son cinquième grand dossier en seulement deux mois.
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Sur la Libye où l’Algérie a peiné pour jouer son rôle, Lamamra a déclaré : « tous les textes, y compris les conclusions de la conférence de Berlin, affirment la possibilité pour la Libye de tirer profit de l’expérience algérienne en la matière ».
Les ministres présents à cette réunion ont été reçus ce mardi par le président Abdelmadjid Tebboune, qui a déclaré que « les pays voisins de la Libye sont les plus soucieux de la stabilité dans ce pays, car l’instabilité les impacterait de manière directe ».
Cette réunion a regroupé les ministres des Affaires étrangères de la Libye, de la Tunisie, de l’Égypte, du Soudan, du Niger, du Tchad et de la République du Congo, en plus de l’Envoyé spécial du SG de l’ONU pour la Libye, Jan Kubis, du SG de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, et du Commissaire de l’Union africaine aux affaires politiques, à la paix et à la sécurité, Bankole Adeoye.
« Nous voulons que la Libye retrouve la place qui lui sied parmi les pays maghrébins, africains et arabes », a-t-il ajouté.
Bête noire du Maroc, Lamamra a multiplié les allers retours entre Alger et Tunis en pleine crise politique dans ce pays et aussi dans le cadre de la médiation dans le litige autour du barrage éthiopien de la Renaissance, qui a mené le ministre algérien à Addis-Abeba, à Khartoum et au Caire. L’initiative algérienne est une première depuis vingt ans depuis la médiation dans le conflit armé entre l’Éthiopie et l’Érythrée il y a 20 ans. En deux mois, il a réussi à repositionner l’Algérie dans des dossiers où elle n’était pas présente.
Dans cette période, l’Algérie a aussi fait face à la multiplication des « actes hostiles » du Maroc, amenant à la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.
C’est encore Lamamra qui en a fait l’annonce mardi 24 août. La nouveauté cette fois dans les relations tendues entre l’Algérie et le Maroc, c’est la tentative de ce dernier d’entraîner son nouvel allié moyen-oriental, Israël, en reprochant conjointement à l’Algérie un prétendu « rapprochement avec l’Iran ».
Le 27 août, Ramtane Lamamra s’est rendu à Bamako, où il a rencontré les autorités de la transition dans le cadre de l’évaluation du processus de réconciliation au Mali.
Le 30 août, il a pu réunir à Alger les ministres des Affaires étrangères de 7 pays voisins de la Libye (Algérie, Tunisie, Égypte, Niger, Tchad, Soudan et République du Congo), en plus des représentants de trois organisations internationales et régionales.
La rencontre a permis de relancer l’espoir d’une solution définitive à la crise libyenne. La diplomatie algérienne fait définitivement son retour dans ce dossier, duquel des parties avaient tenté de l’exclure il y a quelques mois.
Sur la crise malienne, la visite de Lamamra à Bamako s’inscrit dans la continuité des efforts de l’Algérie pour mener à terme le processus de réconciliation dans ce pays.
La situation au Mali a toujours été une priorité de la diplomatie algérienne. Sabri Boukadoum s’y est rendu moins de deux mois après sa nomination, une visite suivie de plusieurs autres.
Lamamra s’est aussi déplacé dans ce pays moins de deux mois après son retour à la tête de la diplomatie algérienne et il est certain qu’il y retournera autant de fois que cela s’avèrera nécessaire.
Continuité des efforts pour la réconciliation au Mali
Au Mali, tant les autorités de la transition que les observateurs y voient la constance de l’engagement de l’Algérie pour la résolution de la crise de ce pays voisin, mais s’accordent sur le fait que le poids de Lamamra pourra faire la différence.
C’est « un poids lourd de la diplomatie algérienne, spécialiste de la résolution des crises en tant qu’ancien commissaire de la paix et sécurité de l’Union africaine. Ses actions devraient jouir de plus de retombées médiatiques », indique une source malienne, citée par le journal français l’Opinion.
Sur cette question précise, le chef de la diplomatie algérienne a un atout supplémentaire : sa proximité avec son homologue malien Abdoulaye Diop, issu comme lui de l’École nationale de l’administration d’Alger.
« Ils se connaissent bien. Abdoulaye Diop a négocié les accords de paix inter-maliens à Alger lorsque Ramtane Lamamra était déjà ministre des Affaires étrangères et pilotait ce dialogue, au milieu des années 2010 », témoigne un responsable malien cité par la même source.
Les deux hommes ont aussi la même vision. Ils veulent une mise en œuvre plus rapide de l’accord de paix d’Alger pour accélérer la réconciliation inter-malienne. L’homme choisi pour cette mission est aussi un Algérien. Il s’agit de l’ambassadeur Boudjemaa Delmi, installé par Lamamra et Diop au cours de cette visite à la tête du comité de suivi de l’accord.
A travers le Mali, c’est toute la situation au Sahel qui préoccupe les autorités algériennes. Le 10 août, Ramtane Lamamra a organisé une conférence sur la situation dans la région, après l’annonce par la France de la réduction de sa présence militaire.
L’Algérie dispose de plusieurs leviers, comme la réactivation de l’Unité de fusion et de liaison, un mécanisme d’analyse du renseignement sécuritaire au Sahel, le Cemoc (Comité d’état-major militaire opérationnel conjoint) regroupant l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger, et basé à Tamanrasset.
Même une éventuelle participation de l’armée algérienne à la mission de maintien de la paix de l’ONU (Minusma) est vue au Mali comme une « bonne idée », pour reprendre le terme d’un ancien ministre malien. Officiellement, l’option n’est pas sur la table, mais rien ne l’empêche après les amendements apportés à la constitution algérienne en novembre 2020.