Économie

« Manger, ce n’est pas seulement du pain et du lait »

Des syndicats de la Fonction publique, tous secteurs confondus, appellent à une grève de deux jours les 26 et 27 avril prochains pour réclamer l’amélioration du pouvoir d’achat et la hausse des salaires.

L’annonce a fait réagir le ministre du Travail qui a mis en garde des syndicats non agréés d’entamer une telle action. La Coordination des syndicats algériens (CSA) qui n’a pas encore reçu d’agrément depuis sa création en 2018 est concernée par cette mise en garde.

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« La CSA n’a, à aucun moment, appelé à la grève. Je les défie de trouver les sigles C.S.A dans le communiqué des syndicats de la Fonction publique. Chaque syndicat a déposé individuellement dans son secteur et auprès de sa tutelle », a déclaré Boualem Amoura, SG du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (SATEF), et coordinateur de la CSA.

Il a ajouté que l’appel à la grève a été lancé « individuellement » par les syndicats. « Nous avons déposé les préavis dans les normes et dans le respect des procédures. C’est (au ministère) de nous appeler au dialogue. Il n’y a jamais eu tentative de conciliation. Il n’y a donc pas lieu de suspendre le mouvement », a lancé Amoura.

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« M. le ministre du Travail confirme officiellement déjà le fait que la CSA n’a pas encore reçu son récépissé d’enregistrement (depuis novembre 2018) et que le ministère maintient la même position sur ce dossier même après l’amendement de la loi 90-14 portant sur l’exercice syndical, alors qu’on s’attendait à une autre attitude du ministère du Travail, notamment une invitation pour les représentants de la CSA pour discuter de la question », abonde le Dr Lyes Merabet président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP) et membre de la CSA.

« Il faut faire la part des choses entre le récépissé d’enregistrement et l’existence de la Confédération. On crée d’abord l’organisation syndicale avant de déposer un dossier au niveau du ministère du Travail pour l’enregistrement », souligne-t-il.

D’autre part, les syndicats grévistes posent sur la table la question épineuse du pouvoir d’achat qui subit une érosion effrénée sur fond de hausse généralisée des prix en Algérie.

Les syndicats demandent un doublement de la valeur du point indiciaire qui s’est figé à 45 DA depuis des années. « Au SATEF, on avait demandé un point indiciaire à 120 DA. Zakat el fitr est à 120 DA. Elle est calculée par le ministère des Affaires religieuses selon les critères des prix de l’or et de la semoule. Nous demandons d’aligner le point indiciaire sur Zakat el fitr. A titre d’exemple, en 2007, le montant de la zakat était de 35 DA et la valeur du point indiciaire était déjà à 45 DA. Vous voyez qu’à 100 DA la valeur du point indiciaire, nous ne sommes pas très exigeants », détaille Boualem Amoura.

Le SG du Satef explique que le travailleur algérien a perdu ces dernières années jusqu’à « 60% de son pouvoir d’achat selon les économistes » qui « parlent d’une inflation à deux chiffres ».

« Et puis, le salaire ce n’est pas seulement pour manger et boire »

S’agissant du salaire minimum revendiqué, les syndicats avancent le montant de 80 000 DA. « Au Satef, nous avons réalisé une étude sérieuse avec des comparatifs des prix entre 1995 et 2021. A titre d’exemple, le kilo de viande coûtait 280 DA en 1995. Et puis, le salaire ce n’est pas seulement pour manger et boire. On a pris en considération les services, les soins, les loisirs. Aujourd’hui, il n’y a plus de classe moyenne en Algérie », a martelé le syndicaliste.

Selon lui, le pouvoir d’achat en Algérie est « catastrophique ». « Il subit une érosion flagrante. Les Algériens ne peuvent plus ni se soigner ni se nourrir. Manger ce n’est pas seulement du pain et du lait. La preuve que le pouvoir d’achat est laminé c’est qu’il n’y a plus de classe moyenne », relève notre interlocuteur qui n’oublie pas d’inclure la situation des retraités.

« Quand on parle du pouvoir d’achat il faut inclure les retraités dont 60% touchent moins de 25 000 DA. Les récentes augmentations représentent seulement 600 DA » par mois, détaille-t-il.

Pour améliorer le pouvoir d’achat, Boualem Amoura suggère qu’il y ait une distribution équitable des richesses, la révision de la politique salariale et un retour à une seule caisse de retraite.

Le Dr Lyes Merabet relève que la valeur du point indiciaire est de 45 dinars depuis 2007 date à laquelle a été promulguée la dernière grille des salaires des fonctionnaires.

« C’est sur cette base, qu’à l’époque ont été faits les statuts particuliers des différents corps des fonctionnaires avec les régimes indemnitaires y afférents à chaque corps. En réalité les salaires actuels des fonctionnaires ont pris effet à partir du premier janvier 2008 », déroule-t-il. « 2008/2022 ça représente la moitié du parcours professionnel d’un fonctionnaire (32 ans). Durant toute cette période, les salaires sont restés figés et n’ont connu aucune revalorisation alors qu’en termes de valeur marchande, ils ont perdu beaucoup », déplore-t-il.

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