Politique

Manifestations populaires : le message de Laid Benamor aux jeunes Algériens

ENTRETIEN. Laid Benamor a démissionné de son poste de vice-président du FCE, en soutien au mouvement populaire de contestation. Dans cet entretien, le patron du groupe éponyme et président de la Chambre algérienne de commerce et d’industrie (CACI) s’exprime sur l’avenir du FCE, et adresse un message aux jeunes Algériens.

Ali Haddad a décidé de convoquer le Conseil exécutif du FCE pour fin mars. Au menu, son avenir à la tête du FCE. Est-ce qu’il doit partir ?

J’ai toujours eu à cœur de ne pas personnaliser les combats. Ce qui m’intéresse, ce sont les principes et leur application. Lorsque j’ai démissionné de la vice-présidence du FCE, j’ai dit qu’il nous fallait l’adhésion du peuple pour relever le défi de la diversification. J’ai dit aussi que je me désolais de voir notre association devenue syndicat s’éloigner de sa base. D’autres entrepreneurs ont fait la même analyse, et ont préféré eux aussi se retirer. Le FCE a trop longtemps représenté une facette contestée de l’exercice du pouvoir. Si j’en crois l’engagement pris ce matin devant témoins lors d’une réunion à laquelle je n’étais pas présent puisque démissionnaire, Ali Haddad a compris qu’il n’y avait pas d’autre choix que de passer la main. Cela va contribuer à l’apaisement général dont nous avons besoin pour restaurer la confiance entre le peuple et les entreprises, mais aussi entre les opérateurs économiques eux-mêmes.

Le départ d’Ali Haddad est-il indispensable pour reconstruire le FCE ?

Une fois de plus, vous ne m’entendrez pas évoquer le cas particulier d’untel ou untel. Ali Haddad a jugé nécessaire de remettre son mandat en jeu, j’en prends acte. Mais il ne faut pas croire que son départ règlera tous les problèmes d’un coup de baguette magique. Je le redis : ces dernières années, beaucoup de chefs d’entreprise ont subi le système. Y compris au sein du FCE. Tout le monde n’était pas protégé. Le renouveau passera aussi par le toilettage des modalités de fonctionnement du FCE, la réflexion autour des instances de gouvernance, et la redéfinition des missions dévolues à un syndicat patronal. Je n’ai aucune ambition pour moi-même, il faudra que de nouvelles équipes construisent le FCE de demain. Les Algériens manifestent pour exiger le départ du système et le changement.

Quel est le rôle que doivent jouer les chefs d’entreprises dans cette transition ?

Dans l’immédiat, les entrepreneurs Algériens doivent assurer la continuité de l’activité économique et de l’emploi, et garantir la sécurité en fourniture de biens et services à la population. Ils doivent être à l’écoute des partenaires, pour les rassurer aussi sur le formidable sursaut auquel nous assistons. Il ne s’agit pas d’une crise, mais d’une refondation. Avec des manifestants qui témoignent d’une formidable énergie, d’un civisme et d’un patriotisme impressionnants, et qui revendiquent une place de choix dans l’édification de l’Algérie de demain. Dans un second temps, le monde économique aura la lourde tâche d’orienter la nouvelle équipe gouvernementale vers les voies du développement économique, juridique, social et fiscal du pays. Non pas interférer dans le politique, c’est l’une des leçons que nous devons tirer du passé. Mais éclairer les zones d’ombres qui peuvent mener la décision publique vers la mauvaise voie. Cela permettra de s’éviter un certain nombre de déconvenues que l’on a connues par le passé, comme les licences d’importation.

Quel est ton message pour les jeunes Algériens qui manifestent et s’inquiètent pour l’avenir du pays ?

Le changement correspond à un nouveau projet de société qui exige de prendre la mesure des efforts à déployer pour mener à bien toutes les réformes nécessaires.

Les grands peuples se montrent lucides face aux défis lorsqu’on leur tient un langage de vérité. Les jeunes ont démontré ce potentiel à travers toutes leurs initiatives, leur lucidité, leur détermination et leur intelligence de situation.

Il faut que cette énergie positive serve de terreau aux réformes. L’après est possible et il est même nécessaire. Français, anglais, américains, coréens du sud, japonais, allemands, italiens, espagnols, pays de l’Est… ont tous connu des périodes comparables à celles de l’Algérie d’aujourd’hui dans leur histoire. Ils n’ont pas douté de l’après ! Ils ont écrit leur nouvelle constitution, leur déclaration des droits de l’homme et du citoyen, leur déclaration d’indépendance, leur projet de société nouvelle et le cap de leur avenir. Ont-ils eu tort de ne pas avoir douté ? NON !!! Ce sont aujourd’hui des puissances dans le concert des nations !

Ne cédons jamais au doute ! Si nous croyons en nous, tout le monde croira en nous ! Le changement n’est pas insurmontable. Il est à portée de main pour les hommes et les femmes de bonne volonté. Il y a en Algérie des milliers de compétences capables de redresser ce pays qui comprend des structures et moyens constituant d’excellents fondamentaux pour se renouveler et prendre un autre cap.

Nous ne partons pas de zéro, le pays dispose de ressources humaines et d’institutions qui ne demandent qu’à servir dans un schéma nouveau. Le changement ne veut pas dire que l’on doit écarter 20 millions de personnes. Le changement veut dire que l’on doit mieux utiliser l’existant, changer nos mauvaises habitudes, renouveler notre regard sur le monde, agir ensemble et non plus les uns contre les autres, le pays va se développer sur de nouvelles bases saines avec des systèmes de contrôle démocratique, avec des libertés individuelles constructives. Plus d’entraves injustifiées.

Si les jeunes capitalisent le potentiel dont ils nous ont montrés la grandeur ces derniers jours, on a assurément la dream team pour aller très loin. La révolution c’est d’abord une évolution rendue nécessaire. La solidarité va être notre meilleur ciment. Nous allons faire en 5 ans ce que l’on n’a pas pu faire en 20 ans car la volonté est là et que tous s’accordent désormais sur le même diagnostic. Mais il faudra rompre avec le fatalisme, ne plus opposer tradition et modernité, ne plus opposer les générations. Il faudra prendre conscience que le progrès c’est possible, que l’innovation est un bien nécessaire. Là les jeunes ont un rôle formidable à jouer.

L’international, le digital et le numérique, l’énergie entrepreneuriale et créative sont les qualités que nous devons développer pour décoller au plan international. Or les jeunes, c’est précisément leur ADN tout cela. C’est à eux de construire leur avenir maintenant. Qu’ils ne nous attendent plus.

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