Ce vendredi 19 avril, il n’y a pas que le nouveau plan politique du pouvoir qui a été mis en échec. Les espoirs de ceux qui ont misé sur une escalade violente du mouvement populaire ont aussi buté sur le civisme et la conscience de la jeunesse. Pour la énième fois, le peuple algérien a prouvé son pacifisme et son sens élevé des responsabilités.
Alors que d’aucuns s’attendaient au moins à des dérapages après ce qui s’est passé la semaine passée dans les rues d’Alger, les marches de ce neuvième vendredi se sont déroulées sans incidents à travers tout le pays. C’est peut-être même le vendredi le plus calme que l’Algérie a connu depuis le 22 février, date de la première grande mobilisation contre le système.
Où sont passés « les casseurs » ?
Pendant toute la semaine, les jeunes se sont donné le mot sur les réseaux sociaux pour répliquer de la plus civilisée des manières à ceux qui, vendredi passé, avaient tenté de mettre le feu aux poudres. Ce jour-là, le pouvoir avait entrepris de tordre le coup au mouvement en ayant recours à la répression. Alors que la gendarmerie a bloqué les principaux axes routiers menant à Alger, la police a utilisé les grands moyens et pris le risque de provoquer un drame : camions à eau et à son et gazage d’une foule compacte au centre d’Alger.
Des bombes lacrymogènes ont été lancées même dans le tunnel des facultés au moment où il était bondé de manifestants, parmi lesquels se trouvaient des femmes et des enfants. Le pire avait été évité grâce au courage et à la conscience des citoyens qui n’ont pas paniqué et n’ont pas provoqué de bousculades qui auraient pu être dramatiques. Ils se sont dispersés dans le calme et n’ont pas répondu à la provocation.
Dans sa communication, la hiérarchie de la police avait avancé un alibi qu’elle croyait infaillible : l’infiltration des manifestants par des casseurs. Pour donner de la consistance à la version, elle avait pris le soin d’annoncer avant même les dérapages qui avaient eu lieu en fin de journée, le démantèlement d’un groupe terroriste qui projetait de s’attaquer aux manifestants. Ce vendredi, les contingents de casseurs ont disparu. Où sont-ils passés ?
Une série de provocations
Les événements de la semaine ont en fait trahi la résolution des autorités de mettre fin aux marches par la manière forte. Samedi, des militantes arrêtées au centre d’Alger ont été acheminées dans un commissariat de l’Est de la capitale où elles ont été dénudées.
Mercredi, la franchise universitaire a été violée en plein jour lorsque des hommes armés, en civil et à bord de véhicules banalisés, ont pénétré dans le campus de la fac de droit d’Alger pour y effectuer des arrestations parmi les étudiants. Aucune autorité n’a souhaité assumer cette transgression et on ne sait toujours pas s’il s’agissait de policiers ou d’agents de la sécurité de l’armée.
Entre-temps, il y a eu un discours rassurant du chef d’état-major de l’ANP qui a assuré avoir donné des ordres pour la protection des manifestants et rappelé que l’armée nationale s’est dotée d’une puissance de feu destinée contre les ennemis du pays et en aucun cas contre le peuple.
La déclaration d’Ahmed Gaïd-Salah a peut-être été suivie d’effet, mais on ne peut s’empêcher de relever que pour le deuxième vendredi de suite, la gendarmerie a rendu l’accès à la capitale presque impossible. La constance est du côté du peuple qui a maintenu le cap du pacifisme dans toutes les situations.
Par son comportement ce vendredi, il a signifié définitivement au pouvoir que rien ne pourra l’arrêter et pris à témoin l’opinion que si le mouvement devrait connaitre des dérapages, ils n’émaneront pas de lui.