Le roi Mohammed VI a-t-il sifflé la fin de la récréation ? Les Marocains sont de nouveau sortis en masse dans la rue, dimanche 19 novembre, pour exprimer leur soutien à la Palestine et condamner les crimes de l’armée israélienne dans la bande de Gaza.
À la différence des précédentes manifestations, certaines de celles de ce week-end ont été durement réprimées par la police du Makhzen.
Dans ce pays qui a normalisé ses relations avec Israël en 2020, il y a au moins une action chaque jour en faveur de la Palestine.
Selon un décompte de l’agence Reuters, le royaume, avec 267 manifestations, est l’un des pays qui a connu le plus d’actions publiques en lien avec la guerre en Palestine, derrière les États-Unis qui ont en connu 600 (pas toutes pro-palestiniennes), le Yémen (490), la Turquie (357) et l’Iran (276).
Le Royaume a aussi abrité certaines des marches pro-palestiniennes les plus imposantes au monde, comme celles de Rabat le 15 octobre et de Casablanca le 29 du même mois.
Le bruit que font les Marocains autour de ce qui se passe en Palestine contraste avec le silence assourdissant de Mohammed VI.
Le 6 novembre, dans son traditionnel discours à l’occasion de l’anniversaire de « la Marche verte », le roi Mohammed VI n’a pas consacré un mot à la situation à Gaza, envoyant ainsi un message clair, à savoir que le Sahara occidental est plus important que la Palestine pour le Maroc.
Le silence gêné de celui qui se présente comme le « président du comité Al Qods » se comprend. Comme les autres pays arabes qui ont emprunté la même voie, il ne souhaite pas fâcher son nouvel allié israélien et son premier parrain, les États-Unis.
Mohammed VI et ses alliés exaspérés par les marches pro-palestiniennes
Au sommet arabo-musulman de Riyad, le 11 novembre, Israël a pu compter sur ses anciens et nouveaux amis arabes, dont le Maroc, pour rejeter toutes les propositions de mesures punitives pour l’amener à cesser son agression sur Gaza.
En interne, le Makhzen a laissé s’exprimer les manifestations de soutien au peuple palestinien, sans doute à cause de leur ampleur et pour éviter que les choses dégénèrent. Mais sa patience — ou celle de ses alliés — semble avoir atteint ses limites face à l’ampleur de la contestation.
Ce dimanche 19 novembre, dans certaines villes du royaume, la police du Makhzen a sorti la matraque pour réprimer des marches pro-palestiniennes.
C’est notamment le cas à Meknès où les forces de l’ordre ont chargé violemment les manifestants, sans toutefois parvenir à les disperser. La semaine passée, c’est à Marrakech que la police a tenté d’empêcher une manifestation, sans succès également.
Pour les observateurs, ce changement d’attitude du palais royal de Rabat pourrait être le signe d’une exaspération de Mohammed VI devant ces actions pro-palestiniennes qui dévoilent au grand jour que sa politique de normalisation avec Israël est en porte-à-faux avec les aspirations de son peuple.
La propagande officielle s’efforce, en effet, depuis trois ans de présenter la normalisation comme un choix partagé et accepté par la population. Une récente enquête de l’observatoire arabe spécialisé Eekad a révélé l’existence de plus de 20.000 faux comptes marocains sur la plateforme X faisant l’éloge du rapprochement avec Israël.
En décidant de réprimer les marches pro-palestiniennes, les autorités marocaines pourraient aussi avoir agi sur injonction d’Israël, voire des États-Unis, de plus en plus agacés par l’élan de solidarité mondial avec le peuple palestinien.
Le retournement de l’opinion publique mondiale, y compris occidentale, met une grande pression sur Israël et ses alliés occidentaux.
La semaine passée, le ministre des Affaires étrangères israélien, Eli Cohen, a reconnu que son pays n’a plus qu’une fenêtre de deux ou trois semaines avant que cette pression ne devienne intenable.
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