L’Algérie est l’un des plus gros importateurs de blé au monde. La France qui était pendant longtemps le principal fournisseur du marché algérien, voit ses parts reculer sensiblement au profit notamment d’un nouveau venu, la Russie.
La production nationale de céréales, estimée à 6 millions de tonnes, ne suffit pas à couvrir les besoins internes. Lors de la campagne 2019-2020, l’Algérie a acheté 4,9 millions de tonnes de blé sur les marchés internationaux, dépassant largement les prévisions qui étaient de 4 millions de tonnes. Les quantités importées varient d’année en année, en fonction de la production locale.
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Malgré les efforts pour développer la filière, la part de l’importation demeure toujours importante. En attendant de meilleures performances de la céréaliculture, le marché algérien est convoité par les principaux fournisseurs.
Plus de la moitié des importations algériennes proviennent de France, 56% en moyenne entre 2010 et 2018 et même 68% en 2018-2019. Pour la France, l’Algérie est aussi la première destinationde son blé exporté (hors Union européenne), entre 20 et 25 %, voire 30%.
Mais ces parts reculent notamment à cause de facteurs objectifs liés au marché mondial, dans un contexte de tensions entre les deux pays, dues notamment à la question mémorielle et à l’immigration.
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Face à la hausse des prix, l’Algérie a revu ses exigences qualitatives, acceptant notamment que le taux d’infestation par les punaises des blés importés monte jusqu’à 1 %.
Cette décision a eu comme effet immédiat d’ouvrir la voie devant le blé russe, notent des analystes de Tallage/Stratégie Grains, un cabinet d’études agro-économiques spécialisé dans les marchés européens et mondiaux des grains et des oléagineux, rapporte le site La France Agricole.
Dès début novembre dernier, la Russie a vendu 250 000 tonnes de blé à l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) qui réalise l’essentiel des importations algériennes de céréales.
Percée de la Russie
La percée russe est nette sur le marché algérien. 341 000 tonnes ont été déjà vendues, contre seulement 30 000 l’année passée, relève le même cabinet. Cela s’est fait évidemment au détriment des quantités expédiées par la France. Ce n’est pas la première fois que les exportations françaises vers l’Algérie baissent.
En 2016/2017, la part du blé français s’est effondrée à 27%, mais c’était à cause d’une très mauvaise récolte en France. Cette fois, la tendance risque de durer, n’étant pas causée par des facteurs conjoncturels.
Tallage souligne que, depuis quelques semaines, l’Australie et l’Argentine enregistrent des productions de blé élevées et arrivent sur les marchés à des prix attractifs.
Malgré la distance et les coûts de transport, le blé argentin est très compétitif pour les marchés du Maghreb, indique la même source, qui ajoute un facteur qui met à rude épreuve le blé français : « la qualité des blés allemands et polonais, meilleure pour les poids spécifiques que celle des blés français, permet à ces origines nord-européennes de vendre de larges quantités à l’Algérie. »
Il y a aussi les précipitations sur les blés d’hiver aux Etats-Unis qui « ont apaisé les craintes de pertes liées au manque d’humidité pour la prochaine récolte ».
Les déboires du blé français ne s’arrêtent pas à la perte de parts de marché. Cette forte concurrence a aussi fait chuter vertigineusement ses prix. Du pic historique de 306 € la tonne le 23 novembre 2021, le prix du « blé meunier standard rendu Rouen » a chuté à 279 €/t le 9 décembre. Le recul des quantités exportées par la France ne concerne pas que l’Algérie, mais tout le marché nord-africain, note le cabinet Tallage.
Ce dernier tempère néanmoins en citant deux facteurs qui permettraient au blé français de résister sur le marché algérien : la Russie a plafonné ses exportations à 9 millions de tonnes entre février et juin et la demande mondiale est forte sur la campagne en cours, ce qui fait que « toutes les origines sont sollicitées pour y répondre ».