Samedi 22 avril, il est 6h30 du matin. Le marché des véhicules d’occasion de Tidjalabine, entre Boumerdes et Alger, au bord de l’autoroute, est déjà bondé de monde. Les voitures sont stationnées partout d’une façon anarchique. La circulation sur l’autoroute qui mène vers l’est du pays est difficile. Les acheteurs commencent à faire le tour pour prendre la température. Les vendeurs donnent un dernier coup d’éclat à leurs voitures. D’autres, plus chanceux, concluent déjà leur transaction. « Je viens de la vendre », lance un vendeur d’une Renault Symbol grise « mande in bladi » à des acheteurs venus pour la scruter. Toutefois, malgré quelques transactions réalisées dès l’ouverture du marché, les acheteurs continuent à afficher une certaine réticence en raison des prix, prohibitifs.
La réticence des acheteurs
À 8h30, le marché atteint la saturation. La fraîche brise du matin cède sa place à un soleil de plomb. Il devient difficile de se frayer un chemin au milieu de la cohue. En dépit de cette foule déferlante des acheteurs, la tendance est à l’attentisme. Les ventes ne décollent pas. « On m’a proposé que 250 millions (centimes). On est loin du compte », déplore un vendeur d’une Renault Megane grise immatriculée en France. « On ne m’a fait aucune offre pour l’heure », affirme un autre, venu vendre un Volkswagen Tiguan flambant neuf immatriculé en Allemagne. C’est le grand retour des véhicules qui portent des plaques d’immatriculation étrangères, importés par des particuliers. Ces véhicules avaient disparu des marchés de l’occasion et des routes depuis le début des années 2000 et l’interdiction d’importer les voitures de moins de trois ans. Mais la réduction drastique des importations des voitures neuves par les concessionnaires et la forte demande ont relancé cette activité informelle. Des particuliers importent des véhicules neufs en utilisant la licence Moudjahid pour les revendre à des prix prohibitifs sur le marché de l’occasion. Et face à des acheteurs désemparés, les spéculateurs imposent leur diktat.
Les voitures immatriculées en Europe de retour en Algérie
À Tidjelabine, l’essentiel des voitures de luxe proposées à la vente proviennent soit de France soit d’Allemagne. Mais, leurs prix demeurent excessifs. Un Volkswagen Caddy, année 2017, coûte plus de 5 millions DA. Pour une Golf 7 GTD de la même année, il faut miser plus de 6,3 millions DA, et 2,74 millions DA pour une Renault Kangoo venue d’Allemagne, année 2016…On y trouve des Tiguan, Passat, des Mégane…
La folie des prix touche aussi les véhicules assemblés en Algérie. À titre d’exemple, un revendeur de deux Renault Symbol algériennes, dernier modèle, s’est vu proposer les modiques sommes de 1,75 million DA pour la 1.2 et 1,85 million DA pour la 1.6. Pourtant, son prix de vente chez le concessionnaire de la marque au losange est nettement inférieur. Mais, le modèle n’est toujours pas disponible chez le concessionnaire. Le revendeur avoue qu’il a pu acheter deux Symbol neuves chez le concessionnaire « grâce à une connaissance ». Autre modèle du même constructeur, fabriqué en Algérie et dont les prix dépassent ceux pratiqués par les concessionnaire : la Dacia Sandero Stepway. Un propriétaire de cette voiture datée de 2016 n’était pas prêt à la vendre en dessous de deux millions DA. « Un revendeur m’a proposé 204 millions de centimes, mais je n’ai pas vendu. On ne s’est pas entendu sur 10.000 DA. Pourtant je la vends moins chère que les autres », raconte-t-il. Chez le concessionnaire, le prix de ce véhicule ne dépasse pas les deux millions de dinars.
Les voitures Hyundai, assemblées à Tiaret, se négocient chèrement également. Le vendeur d’un SUV Creta blanc CRDI fraîchement sorti de l’usine TMC (Tahkout manufactruring company) a rejeté une offre de 3,8 millions DA, soit plus de 600.000 DA de son prix d’usine.
Les prix des modèles d’occasion populaires ne baissent pas. Ainsi, il faut compter au moins 1,76 millions DA pour une Peugeot 208 diesel datée de 2014 dont le compteur affiche 95.000 km. Pour une Polo blanche année 2016, un vendeur a refusé une offre de 2,88 millions DA et veut 3,05 millions DA. Pareil pour la Seat Ibiza essence, année 2016, avec 17.000 Km au compteur, son propriétaire a rejeté une offre à 2,51 millions DA. « Il faut me proposer un peu plus », tranche-t-il, sans fixer un prix.