Économie

Marché des véhicules en Algérie : la démesure jusqu’à la caricature

En Algérie, les prix des véhicules d’occasion ont atteint des seuils incroyables. Une Kia Picanto GT-Line à 600 millions de centimes (6 millions Da) et une Peugeot 404 année 1962 à 150 millions (1,5 millions DA). Ce ne sont pour le moment que des annonces sur Internet.

Insérer une annonce ne coûte rien, ainsi que mettre le prix que l’on veut. Les prix réels, on pourra les constater dans les marchés des véhicules d’occasion que le gouvernement a récemment décidé de rouvrir dans le cadre de l’allègement du dispositif de prévention contre le covid-19.

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Cela dit, il est indéniable que la rareté a fait prendre des ailes aux véhicules, neufs ou d’occasion, sur le marché algérien. Depuis la suspension des importations des véhicules neufs en 2017 et l’arrêt de l’activité de montage à partir de 2020, le marché est comme pris d’une fièvre.

Les prix atteignent des seuils complètement déraisonnables et les Algériens peinent à trouver le véhicule qui leur faciliterait la vie au quotidien. C’est devenu un rêve inaccessible avec des véhicules coûtant deux fois le prix de leur première acquisition, voire plus. Une absurdité dans un pays où la voiture est quasiment indispensable pour se déplacer.

« Seulement 590 millions ! »

« La dernière Picanto GT Line Black & Red édition est disponible chez nous à un prix imbattable ! Seulement 590 millions ! Remarque : seulement 5 voitures disponibles à cette finition », peut-on lire à propos de l’annonce concernant la Picanto GT Line postée par un vendeur sur le site d’annonces Oued-Kniss.

Nous avons tenté d’appeler le vendeur, en vain. Quelque chose ne tourne pas rond dans cette histoire. Quand on a quelque chose à vendre et on place une annonce, on répond aux éventuels acheteurs. Soit les cinq Picanto ont été vendues en quelques heures comme des petits pains, ce qui est improbable à un tel prix, ou bien il s’agit d’une farce.

L’histoire de cette Picanto dont le prix est trop exagéré illustre la décomposition du marché du véhicule d’occasion en Algérie, qui n’obéit désormais à aucune règle.

Globalement, les prix demandés pour toutes les gammes du neuf et de l’occasion restent élevés. La solution envisagée d’autoriser l’importation des véhicules de moins de trois ans d’âge a été abandonnée, avant d’être réactivée, sans suite.

Et même si le projet vient à être libéré, la problématique de la cherté ne sera pas résolue, estime l’Association de protection des consommateurs (Apoce) qui appelle à autoriser les voitures de moins de 5 ans, qui pourraient être accessibles à une large frange de la population.

« Voilà des années, que l’Apoce réclame l’importation des véhicules de moins de 5 ans, sans retour d’écho », dénonçait récemment le président de l’association, Mustapha Zebdi, sur TSA.

« Nous avons jugé que pour les véhicules de moins de 3 ans, le coût est inaccessible pour une grande partie des consommateurs », a-t-il expliqué. Avec un euro à près de 210 dinars sur le marché noir, les prix des véhicules importés seront trop élevés pour la majorité des Algériens.

Et pour cause, le pouvoir d’achat des Algériens a chuté de manière vertigineuse alors que les prix des produits de consommation de base ne cessent d’augmenter. Une étude comparative entre les prix moyens en 2010 et ceux en cours en 2021, répercutée par l’Apoce, a conclu notamment au fait que le salaire de 2010 a perdu 50 % de sa valeur en 2021 du fait des hausses des prix. Durant cette période, un véhicule qui en 2011 coûtait 70-80 millions de centimes a vu sa valeur passer au double une décennie plus tard.

Pour le véhicule, aucune solution ne pointe à l’horizon avec la persistance de la suspension de l’importation du neuf et de la reprise de l’activité des usines d’assemblage.

Pendant ce temps, le citoyen se débat avec un transport public de piètre qualité. De nombreux spécialistes ont relevé que la demande sur les véhicules ne baissera pas sans le renforcement et l’amélioration des réseaux et de la qualité des transports publics.

« Si nous améliorons notre transport public en matière de disponibilité et de qualité, je suis sûr que beaucoup de gens n’aborderont plus le sujet de l’automobile », assure le président de l’Apoce. En face, le gouvernement n’a aucune politique pour améliorer les conditions de mobilité des Algériens.

L’Algérie dispose d’un parc de bus vieillissant qui ne peut pas couvrir son vaste territoire, alors que les projets de réalisation de nouvelles lignes de chemins de fer, dans les Hauts-Plateaux pax exemple, s’éternisent.

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