Économie

Marché du gaz : la douce revanche de l’Algérie

La crise politique entre l’Algérie et l’Espagne est venue chambouler davantage une carte énergétique déjà fortement bouleversée par la guerre en Ukraine.

Les deux voisins méditerranéens sont en brouille depuis mars dernier à cause du revirement espagnol sur la question sahraouie, ce qui s’est répercuté sur leurs échanges commerciaux, notamment la livraison du gaz par l’Algérie, principal fournisseur de l’Espagne, avec laquelle elle est reliée par un gazoduc opérationnel, le Medgaz, et un autre à l’arrêt depuis novembre dernier, le GME (Gazoduc Maghreb-Europe).

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Avant même la crise avec l’Algérie, et ayant l’ambition de devenir le hub gazier de l’Europe, l’Espagne avait entamé la diversification de ses approvisionnements, optant notamment pour le GNL (gaz naturel liquéfié) américain.

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Les données du mois de juin dernier avait déjà fait ressortir le recul des livraisons algériennes. Celles des mois de juillet et août le confirment.

En juillet, il a été enregistré une baisse des importations espagnoles de gaz naturel algérien par gazoduc de l’ordre de 51,6% par rapport à juillet 2021, selon les données de Cores, l’organisme espagnol chargé des réserves stratégiques d’hydrocarbures. En juillet, les achats de GNL auprès de l’Algérie se sont estompés net.

Cela au moment où les importations de gaz de l’Espagne ont augmenté de 32,7%. Elles sont constituées de 72,3% de GNL et seulement 27,7% de gaz naturel, transporté par gazoduc

Les importations espagnoles de gaz en provenance d’Amérique du Nord ont explosé sur un an (+220,2%), de même que celles venant d’Amérique centrale et du Sud (+96,7%), d’Europe et d’Eurasie (+32,6%), et du Moyen-Orient (+12,4%).

Lorsque le gazoduc Maghreb-Europe (GME) a été fermé en novembre dernier suite à la crise entre l’Algérie et le Maroc, les autorités algériennes ont rassuré leurs homologues espagnoles quant à la continuité des approvisionnements, prévoyant l’augmentation de la capacité de l’autre gazoduc, le Medgaz, et l’utilisation de méthaniers pour acheminer des quantités en GNL.

Mais ça, c’était avant la crise entre Alger et Madrid. Même si le GNL algérien ne vient qu’en appoint aux exportations par gazoduc et ne représente pas une part importante dans les achats de l’Espagne à partir d’Algérie, l’arrêt total de son exportation est un indice supplémentaire sur la gravité de la brouille entre les deux pays. Comme le GNL est très demandé sur le marché mondial, l’Algérie veut ainsi privilégier ses clients notamment en Asie.

En août 2021, soit avant même la fermeture du GME, l’Algérie avait expédié 1565 GWH de GNL vers l’Espagne. De janvier dernier à juillet, les livraisons algériennes cumulées étaient de 4478 GWH.

Rééquilibrage

Outre les retombées de la brouille politique, l’Algérie comme les autres pays exportateurs, veut revoir les prix de son gaz. A cette crise s’ajoute la crise énergétique mondiale, provoquée par la guerre en Ukraine.

Une situation qui permet aux pays gaziers dont l’Algérie de prendre une douce revanche sur les pays consommateurs qui ont longtemps imposé leurs conditions.

Les prix du gaz portés par la guerre en Ukraine, connaissent une flambée sur les marchés mondiaux, d’où la volonté de l’Algérie de réviser les prix fixés dans les contrats de moyens termes avec ses principaux clients dont l’Espagne.

Pour Madrid qui a longtemps bénéficié du gaz algérien au « prix d’ami », ces négociations tombent en pleine crise diplomatique avec Alger. « La politique des prix amis est terminée », tranche un expert pétrolier algérien.

Les pays acheteurs notamment européens avaient imposé des conditions désavantageuses, non seulement à l’Algérie, mais à tous les pays producteurs.

La Commission européenne a renoncé aux contrats longs termes, pour opter au marché spot au moment où les prix du gaz étaient bas. Aussi, les Européens, hormis dans une certaine mesure les Italiens, n’ont pas consenti les investissements nécessaires, à cause de l’orientation vers les énergies renouvelables et les faibles prix du gaz pendant de longues années.

Les retombées de la guerre en Ukraine ont néanmoins entamé de rééquilibrer le marché. « L’Union européenne a creusé une fosse et elle est tombée dedans, résume l’expert algérien. Les pays européens ont opté pour le marché spot pour profiter des prix bas. Avec la hausse actuelle des tarifs, ils se retrouvent pris dans leur propre piège. Ils veulent les prix du marché, ils les ont maintenant », ajoute-t-il.

Concernant l’Algérie, qui a signé des contrats de moyen terme (3 ans), elle s’est montrée intransigeante dans les négociations des nouvelles clauses, notamment concernant les prix, très élevés en ce moment sur le marché spot du GNL.

En position de force désormais, elle a décidé d’imposer des clauses de destination (précision des pays auxquels le gaz pourra ou non être revendu) et même le choix de la monnaie d’échange, comme le fait la Russie, ainsi qu’un prix plancher du gaz.

L’Algérie qui réclame des investissements dans l’amont pour produire davantage, aurait même pu aller plus loin en demandant à distribuer son gaz sur place dans les pays de destination.

Sur la question des prix, les choses sont réglées avec les Italiens et même les Français, et elles sont en train de l’être avec les Espagnols.

Selon la presse ibérique, Naturgy, la société espagnole qui détient le contrat d’approvisionnement de l’Espagne en gaz algérien, a accepté d’aligner les prix sur ceux acceptés par les Italiens et les Français avec effet rétroactif à partir d’octobre-novembre 2021.

Les négociations buteraient toutefois sur la période de validité des nouveaux tarifs, les Espagnols ayant accepté de les appliquer pendant deux ans seulement. Preuve de la position de force des pays producteurs, dont l’Algérie, cette avancée dans les négociations fait suite à la menace des autorités algériennes de couper les approvisionnements, rapportée fin août par la presse espagnole.

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