Confrontée à la chute de ses revenus en devises et à la fonte de ses réserves de change, l’Algérie a « d’autres priorités » que le marché automobile, qui se retrouve ainsi l’un des plus impactés par la crise économique qui frappe de plein fouet le pays. Cette vérité a été assenée ce lundi 28 décembre par le ministre de l’Industrie Ferhat Ait Ali.
Dans un entretien à la Chaîne Une de la Radio nationale, il a expliqué que les priorités de l’Algérie sont par exemple dans le médicament et l’industrie automobile.
« Avec la baisse des réserves de change, des prix de pétrole, nous devons préserver les réserves, unique garantie du dinar et de la souveraineté du pays pour le fonctionnement de l’économie et de la vie publique. Pour cela, il faut que le citoyen ne fixe pas lui-même ses besoins personnels ou catégoriels concernant les importations du pays. Quand vous perdez 50 % de vos revenus et vous voulez garder le même rythme de dépenses, c’est comme dire après moi le déluge », a-t-il expliqué.
Le ministre a également dit que le dossier de l’importation des véhicules d’occasion était clos. « L’importation des véhicules d’occasion n’est ni reportée ni gelée. L’article 110 (de la LF 2020, ndlr) est inapplicable et ne sert pas l’économie nationale », a-t-il dit.
« On ne peut supprimer une loi par une simple déclaration »
Ces déclarations n’ont pas tardé à susciter des réactions. Le sénateur FLN, Abdelouahab Benzaim, a immédiatement réagi sur son compte Facebook, pour rappeler au ministre que « l’article 110 relatif à l’importation des véhicules de moins 3 ans est une loi adoptée par le Parlement avec ses deux chambres » et que par conséquent, elle revêt un caractère « exécutoire ».
« On ne peut pas la supprimer par une simple déclaration à la radio », s’est emporté le sénateur. « Au sénat, nous considérons que les déclarations du ministre sont une atteinte et une ingérence dans les prérogatives du Parlement. Ce qui est totalement inacceptable », ajoute le sénateur dans une déclaration à TSA. « Nous allons le saisir (M. Ait Ali) à travers une question orale », promet le sénateur.
« Le véhicule n’est pas une priorité pour le ministre, mais pour le consommateur si »
Outre l’annonce sur les véhicules de moins de 3 ans, Ferhat Ait Ali a dit que l’approvisionnement du marché national en véhicules neufs n’était pas une priorité, se félicitant même que l’Algérie ait pu économiser sur ce segment 3,5 milliards de dollars pour l’année 2020, représentant le montant des importations éventuelles des véhicules neufs et des pièces de rechange automobile.
« Le marché de l’automobile n’est pas une priorité, ce qui l’est c’est l’industrie automobile. Nous avons besoin de véhicules mais le but n’est pas de booster ce marché. L’approvisionnement du marché algérien se fera en fonction de ses capacités financières et en tenant compte des autres priorités du pays », a expliqué le ministre.
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« Le ministère de l’Industrie n’est pas là pour réguler le marché des véhicules », lâche Ait Ali qui annonce, à cette occasion, que des pourparlers ont été engagés avec des partenaires étrangers et notamment les Allemands, pour « relancer une véritable industrie du véhicule utilitaire et touristique ».
« Comme vous le savez, le marché national (des véhicules) est vide depuis 2 ans et les prix ont atteint des niveaux inadmissibles », rappelle M. Benzaim qui invite le ministre de l’Industrie à s’expliquer devant le Parlement.
L’Association de protection du consommateur, Apoce a elle aussi réagi aux déclarations du ministre de l’Industrie sur le marché du véhicule. Selon son président, Mustapha Zebdi, contacté par TSA, en faisant ces annonces, M. Ait Ali n’a donné aucune alternative.
D’abord sur les véhicules de moins de 3 ans. M. Zebdi juge qu’ « en faisant fi d’une loi votée par le Parlement, cela revient à remettre en cause la crédibilité des parlementaires qui l’ont adoptée ainsi que les nombreux départements et institutions qui ont participé à la préparation du texte de loi. »
Absence d’alternative au véhicule
« Dire que le texte est inapplicable, là je me pose la question », s’étonne M. Zebdi. Au sujet des 3 milliards de dollars d’économie sur l’importation des véhicules neufs, au moment où le marché national connait une véritable crise, le président de l’Apoce affirme que la question n’est pas d’économiser mais de satisfaire les besoins des citoyens pour qui le véhicule est devenu un bien essentiel.
« Nous ne partageons pas du tout la vision du ministre, d’autant plus qu’il n’a donné aucune alternative. Il suffit de se déplacer aux marchés des véhicules d’occasion ou consulter les sites de vente pour constater que les prix », des voitures d’occasion sont inabordables, relève M. Zebdi.
Le véhicule est un bien élémentaire pour le citoyen algérien en l’absence d’un réseau de transport performant, défend le président de l’Apoce. « Pour combler ce manque, il faut soit importer soit produire. Or, depuis une année, nous ne voyons aucune issue. Et nous ne savons pas combien de temps ça va encore durer », s’agace M. Zebdi.
« Le véhicule n’est pas une priorité pour le ministre, mais ça l’est pour le consommateur algérien », martèle-t-il, tout en s’indignant que les 3 milliards de dollars économisés sur les véhicules neufs l’ont été « au détriment des souffrances d’une grande partie de la population ».