Ils étaient tous là pour célébrer l’an II du Hirak. Militants, hommes politiques, journalistes, avocats et citoyens anonymes ont convergé ce mardi 16 février vers la ville de Kherrata, dans la wilaya de Bejaïa, pour participer à la commémoration de ce qui est considéré comme le point de départ du Hirak : la grande marche de Kherrata du 16 février 2019.
Pour beaucoup, c’est ici que tout a commencé. Pour d’autres, c’est à Bordj Bou Arréridj où des jeunes avaient improvisé un petit rassemblement contre le cinquième mandat quelques jours plus tôt, où encore à Khenchela où une marée noire avait apporté son soutien à Rachid Nekkaz, venu collecter les signatures en vue de sa candidature à la présidentielle prévue le 18 avril, mais que le Hirak finira par emporter.
Ce jour-là, l’immense portrait de Bouteflika qui couvrait la façade de l’APC, à l’instar de beaucoup de mairies à travers le pays, avait été arraché et piétiné. L’image était très forte, très symbolique, mais la marche par son ampleur – la première grande marche contre le 5e mandat du président déchu Abdelaziz Bouteflika – de Kherrata l’était tout autant puisqu’elle brisait l’interdiction de manifester en vigueur pendant plusieurs années et donnait le signal d’un mouvement pacifique et déterminé qui émerveillera le monde.
La ville a aussi une charge symbolique en ayant été l’un des théâtres des massacres du 8 mai 1945 qui, pour beaucoup d’historiens, sont un des éléments déclencheurs de la guerre de Libération nationale neuf ans plus tard.
Cela dit, en tout cas pour les militants du Hirak et ses figures connues, le débat sur la ville qui a donné naissance au mouvement est secondaire, de surcroît dans cette conjoncture où, pour eux, le plus important est de dépasser l’impasse et faire en sorte de concrétiser les revendications exprimées ces deux dernières années.
La grosse interrogation depuis quelques jours était surtout de savoir si les marches, suspendues au printemps dernier pour cause de crise sanitaire liée au Covid-19, après plus de cinquante vendredis consécutifs de manifestations, vont reprendre où pas.
À l’échelle d’une ville de montagne, c’est impressionnant
Des appels ont été lancés depuis plusieurs semaines pour une marche à Kherrata ce 16 février et, si beaucoup s’attendaient à ce qu’il y ait foule, le suivi du mot d’ordre a dépassé toutes les prévisions.
Les gens ont commencé à affluer dès la veille et les rues de la ville n’ont pas dormi. Les premiers arrivés, avec les jeunes de la localité, ont passé une nuit blanche à entonner les slogans du Hirak.
Dès les premières heures de la matinée de ce mardi, la foule a commencé à grossir. Avant la mi-journée, les étroites rues de la ville n’arrivent plus à contenir les milliers de manifestants qui affluent. Ils sont venus des quatre coins du pays.
Un véritable raz-de-marée qui rappelle les premières semaines du Hirak. Ce ne sont pas les millions qui déferlaient dans les rues du centre d’Alger, d’Oran, de Constantine, de Bejaïa, de Bordj Bou Arréridj ou de Tizi Ouzou, mais à l’échelle d’une petite ville de montagne, les images sont impressionnantes.
Le message est on ne peut plus clair : le mouvement populaire n’a rien perdu de sa vigueur et, surtout, garde le cap sur ses revendications de changement et de rupture.
Les slogans entendus pendant la marche l’attestent. Malgré l’exiguïté des lieux et la foule nombreuse, la manifestation s’est déroulée dans de bonnes conditions et une organisation parfaite.
Sous un doux soleil printanier, les manifestants ont marché dans le calme et avec une discipline qui rappelle une autre vertu du Hirak qui a fait sa force et sa réputation : le pacifisme et le civisme.
Le mouvement était pacifique et il compte le demeurer, c’est l’autre enseignement de cette journée. Le Hirak a aussi gardé tous ses acteurs et tous ses soutiens.
Toutes les figures que les Algériens se sont habitués à voir chaque vendredi à Alger entre février 2019 et avril 2020 étaient là.
Mohcine Belabbas qui n’a pas raté une seule manifestation ne pouvait pas manquer celle-là. Il y avait aussi Mostefa Bouchachi, Zoubida Asssoul, Karim Tabbou, Smaïl Lalmas et bien d’autres. Bref, le Hirak se porte comme au premier jour.