TRIBUNE – Heureux hasard du calendrier pour certains et pour d’autres comme le signe d’un destin qui sourit, le peuple algérien fêtera cette année l’anniversaire du 1er Novembre 1954 démarrant la lutte armée contre la domination étrangère et pour la libération nationale avec le 37e vendredi de son soulèvement pour la liberté et un Etat démocratique.
Déjà le vendredi 5 juillet 2019, le hasard et le sourire du destin s’étaient conjugués de la même manière. Le peuple algérien s’était alors mobilisé par millions, comme le 5 juillet 1962, pour dire sa reconnaissance à tous ceux qui ont tant donné pour la libération de notre pays. Il montrait en même temps sa détermination à continuer la lutte pour mettre fin à un système politique autoritaire dont il n’a jamais choisi ni les dirigeants ni les politiques. Il puisait dans son histoire l’inspiration de son combat actuel.
La marche du 1er novembre 2019 revêt la même portée exceptionnelle, rendre hommage à tous ceux qui ont combattu, tous ceux qui ont tant souffert pour mettre fin à la domination étrangère et ouvrir la voie à la construction d’un Etat souverain. La lutte fut longue et difficile. Elle a été véritablement portée par une mobilisation populaire exemplaire, comme ces journées de décembre 1960 où le hasard m’a porté dans le quartier d’El Akiba, juste au-dessus de Belcourt (Belouizdad), et m’a permis de crier avec des milliers de jeunes de mon âge notre soif de liberté. On les voit bien les luttes d’aujourd’hui, sous d’autres formes, exigent aussi une grande mobilisation. Il en va ainsi des grands combats pour la liberté.
Mais cet hommage et cette commémoration revêtent cette année une portée considérable. Le peuple en effet a pris conscience que l’Etat algérien, à la construction duquel il n’a pas participé comme un peuple libre, se caractérise par une souveraineté qui ne prend pas en compte les aspirations des citoyens. Le 1er novembre 2019, il marchera donc aussi pour confirmer sa détermination à choisir ses dirigeants dans des élections libres. Il dira, jusqu’à ce qu’on l’entende, qu’il n’y a pas d’élections libres sans le démantèlement des mécanismes antidémocratiques, ni sans une transition démocratique, une transition démocratique qu’il contrôle réellement. Je l’entends renouveler son appel pour la libération des prisonniers politiques parce qu’il sait que désormais il n’y a pas de transition démocratique dans laquelle ces prisonniers ne jouent pas les rôles dignes de leur courage et de leur détermination.
Marcher par centaines de milliers, le 1er novembre 2019 pour la liberté, c’est exiger les libertés démocratiques, c’est dire sa volonté de mettre fin à la hogra sous toutes ses formes et c’est ainsi dire sa volonté inébranlable de “dégager le système” autoritaire comme le clame notre peuple depuis février 2019. Marcher, comme pour faire du bien à sa patrie. Marcher avec la détermination souriante de ceux et celles qui se mobilisent pour la liberté.
Grâce à son ampleur, sa détermination grâce au maintien de la stratégie pacifique, quelles que soient les provocations, la marche du peuple pour la liberté le 1er novembre 2019 peut réaliser un saut qualificatif considérable pour faire comprendre aux gouvernants l’urgence d’une solution politique qui nous achemine sérieusement vers la fin du système politique autoritaire et éviter ainsi à notre pays les confrontations et les violences. La marche du 1er Novembre 2019 aura ainsi joué un rôle comparable au rôle joué par les journées de décembre 1960 pour faire comprendre aux gouvernants l’urgence d’une solution politique, conforme aux aspirations de notre peuple.
Madjid Benchikh est professeur émérite, ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger.