L’Algérie connaîtra demain son troisième vendredi de mobilisation nationale et de marches contre le cinquième mandat pour Bouteflika. Lancée le 22 février, la mobilisation citoyenne contre le 5e mandat a culminé vendredi 1er mars, avec la participation de centaines de milliers, voire de millions d’Algériens à des marches à travers tout le pays.
La participation massive des Algériens aux marches de ce vendredi semble déjà acquise mais cette fois-ci, l’enjeu principal sera le maintien du caractère pacifique du mouvement.
Une forte participation des femmes et des étudiants attendue
Ce troisième vendredi de manifestations contre le cinquième mandat coïncidera avec la célébration de la Journée internationale des femmes, ce qui a poussé des anonymes et des personnalités à appeler les femmes à être nombreuses et au premier plan lors des marches.
Sur les réseaux sociaux, des organisations féministes, des groupes, des pages militant pour cette cause ont multiplié les messages pour appeler les femmes algériennes à “marcher pour leurs droits et pour les droits de tous les Algériens”. Les femmes, déjà très présentes dans les manifestations à travers tout le pays depuis le 22 févier seront sans doute encore plus nombreuses ce 8 mars.
Les étudiants qui semblent donner au mouvement, par la force de leur mobilisation, l’ossature dont il a besoin, seront probablement eux aussi très présents aux manifestations de ce vendredi.
En grève dans de très nombreuses universités à travers le pays, les étudiants ont manifesté tout au long de la semaine, notamment lundi et mardi à Alger et jusqu’à mercredi dans certaines villes comme Bejaia, pour protester contre le dépôt, dimanche, du dossier de candidature d’Abdelaziz Bouteflika au Conseil Constitutionnel.
Mardi, des milliers d’étudiants ont manifesté pacifiquement une bonne partie de la journée au cœur de la capitale.
Les syndicats s’impliquent
Alors que les rangs des organisations de masse proches du pouvoir et des partis de l’Alliance présidentielles se dégarnissent un peu plus chaque jour, le camp de la protestation contre le pouvoir gagne l’adhésion de nombreux syndicats et organisations et voit arriver l’implication plus concrète des partis de l’opposition.
Mercredi, l’intersyndicale de l’éducation, composée des six principaux autonomes du secteur de l’éducation, a annoncé son adhésion au mouvement et a appelé ses adhérents à rejoindre les manifestations pacifiques des vendredis et à organiser des manifestations propres aux travailleurs de l’éducation le mercredi 13 mars.
La veille, le Conseil national de l’ordre des médecins, autre organisation de taille du secteur de la santé, a apporté son soutien au mouvement populaire.
Ces nouvelles adhésions des syndicats et organisations professionnelles s’ajoutent à celles, datant déjà du lendemain du vendredi 22 février, des partis politiques de l’opposition, dont l’implication devient de plus en plus concrète. En soutien à la protestation des Algériens contre le cinquième mandat, le FFS a annoncé, mercredi, le retrait de ses députés des deux chambres du parlement.
L’enjeu crucial de la non-violence
Ces défections qui affaiblissent les organisations de masse du pouvoir et les adhésions de plus en plus nombreuses et concrètes au mouvement populaire permettent de prédire une participation exceptionnelle des Algériens aux marches prévues ce vendredi 8 mars. Mais plus que le nombre de participants aux marches, l’enjeu réel cette fois-ci sera le maintien du caractère pacifique des manifestations.
Les multiples manifestations qu’a connues toute l’Algérie depuis le 22 févier ont apporté des preuves que les Algériens veulent un changement radical mais en douceur, sans violence et sans débordements.
Mais lors de la marche du vendredi 1er mars, des affrontements sont signalés entre forces de l’ordre et casseurs. Pour l’instant, ces incidents, somme toute mineurs, ne sont survenus qu’après les manifestations pacifiques et n’ont, de l’aveu même de la DGSN, rien à voir avec les manifestations contre le 5e mandat.
Mais le risque de voir ces débordements provoqués par des intrus au milieu des manifestants pacifiques pendant les marches est réel. Mardi déjà, vers la fin de la journée, un groupe de jeunes ont provoqué la police par des actes violents au niveau de la place Maurice Audin. Les CRS déployés en nombre sur les lieux ont usé de leurs matraques et de grenades lacrymogènes pour les disperer.
L’incident a été rapidement maîtrisé et la place évacuée en quelques minutes. Cet événement qui semble anodin doit toutefois être pris comme un avertissement. L’écrasante majorité des manifestants auront beau être pacifiques, il suffirait de quelques perturbateurs, inconscients ou agissant par calcul ou sur instruction d’une quelconque partie, pour entacher le mouvement qui est, jusque-là resté parfaitement pacifique.
Ce risque n’échappe pas aux citoyens qui, sur les réseaux sociaux, redoublent d’appels à la sagesse, à la non-violence et, chose nouvelle, à la méfiance. “Restez entre amis, entre voisins, ça vous permettra de reconnaître les intrus”, préconisent de nombreux internautes. Les appels à marcher à Alger sans essayer de monter jusqu’au palais de la Présidence se font également plus pressants. Le Palais présidentiel étant désormais associé aux affrontements entre casseurs et forces de l’ordre et au décès d’un manifestant dans une bousculade, vendredi 1er mars.
Les manifestations de ce vendredi 8 mars ont toutes les chances d’être encore plus imposantes que celles du premier mars, déjà impressionnantes, grâce à l’adhésion des élites qui “rejoignent le peuple”. Une adhésion qui tombe à pic, puisqu’au moment où le risque de dérapages se fait sentir plus que jamais, les partis politiques et les syndicats pourront se montrer utiles dans les manifestations, grâce à leurs capacités d’organisation.