De nouvelles tensions ont éclaté entre le Maroc et l’Espagne autour des enclaves espagnoles Ceuta et Melilla, sur fond du différend entre les deux pays autour du Sahara occidental.
Lundi, le gouvernement espagnol a convoqué « en urgence » l’ambassadrice du Maroc à Madrid en réaction aux déclarations du chef du gouvernement marocain, qui a récemment à nouveau remis en cause la souveraineté des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, revendiquées depuis des décennies par le Maroc, rapportent plusieurs médias.
« Ceuta et Melilla est une question qui doit s’ouvrir »
Dans un entretien accordé samedi à la chaîne saoudienne al-Sharq, le chef du gouvernement marocain, Saad Eddine El Otmani, a évoqué la nécessité d’ouvrir un « jour » la question de la souveraineté sur Ceuta et Melilla.
Cette déclaration vague n’a pas plu au ministère des Affaires étrangères espagnol qui a immédiatement convoqué l’ambassadrice du Maroc en Espagne, Karima Benyaich. L’Espagne a demandé au Maroc de respecter sa « souveraineté » et son « intégrité territoriale ».
Selon l’agence officielle algérienne APS, plusieurs partis politiques en Espagne ont critiqué les déclarations du chef du gouvernement marocain. Le Parti Populaire (PP, droite), par le biais de son chef Pablo Casado, a notamment appelé le gouvernement espagnol à « répondre immédiatement » à ces déclarations, estimant que la souveraineté espagnole de Ceuta et Melilla est « inaliénable ».
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Le parti d’extrême droite espagnol Vox a pour sa part appelé à une « réponse énergique » et critiqué la « lâcheté » du gouvernement espagnol devant les « revendications expansionnistes de la tyrannie marocaine », qui « constituent un danger » pour la souveraineté espagnole, estime le parti.
« L’ennemi sent la peur et la lâcheté de ce gouvernement », a déclaré Vox dans une publication diffusée sur le réseau social Twitter et citée par la même source.
Les déclarations de Saad Eddine El Otmani interviennent dans un contexte particulier pour la diplomatie marocaine. Cette dernière a récemment marchandé la normalisation de ses relations avec Israël en échange de la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole devenue la République arabe sahraouie démocratique (Rasd) en 1976 dont 80% du territoire est actuellement sous occupation marocaine.
Le Maroc fait « pression sur l’Espagne »
« Depuis 1975 et l’échec de la décolonisation du Sahara occidental, le Maroc utilise régulièrement l’argument de la revendication sur les villes de Ceuta et de Melilla pour faire pression sur l’Espagne dans le dossier du Sahara, » estimait déjà en 2016 Yves Zurlo, agrégé d’espagnol et docteur en lettres dans un article publié sur le site Vie-publique.
Après l’annonce de la décision du Maroc de normaliser ses relations avec Israël en échange de la reconnaissance par les États-Unis de sa souveraineté sur le Sahara occidental occupé, l’Espagne a rappelé qu’il « respecte » les résolutions de l’ONU pour trouver des solutions aux conflits palestinien et au Sahara occidental.
Aujourd’hui, Ceuta et Melilla sont principalement connues pour être une porte de l’Europe pour les vagues migratoires. Les deux villes constituent les seules frontières terrestres entre l’Afrique et l’Europe et sont par conséquent extrêmement surveillées pour éviter toute tentative de franchissement des hautes clôtures d’environ seize mètres qui les séparent du Maroc, indique le site Info-Migrants.
En 2018, près de 7000 personnes ont illégalement traversé les frontières pour entrer dans ces deux enclaves, représentant environ 12% du nombre total d’arrivées irrégulières en Espagne.