De la société de nettoyage dans les villas du sud de la France aux lustres de Saint-Pétersbourg: l’itinéraire d’Hervé Renard, qui va découvrir le gotha du foot international après avoir connu la galère du chômage et des divisions inférieures, est l’une des belles histoires du Mondial-2018.
“Il a un destin incroyable!”: Guy Lacombe, son ancien coéquipier à l’AS Cannes où l’ancien défenseur a joué de 1983 à 1990, sait de quoi il parle. Avant de disputer son premier match de Coupe du monde avec le Maroc, contre l’Iran vendredi (17h00), Renard (49 ans) a dû faire ses armes dans l’ombre du foot amateur français, tout en jonglant avec un autre travail à côté.
“Cela n’a pas été facile pour lui. Il s’était retrouvé entraîneur à Draguignan (1999-2001), il a travaillé dans les espaces et jardins… C’était costaud quand même! Il fallait se lever à six heures du matin pour aller bosser, le soir il allait entraîner les joueurs… Je lui tire mon chapeau”, raconte Lacombe à l’AFP.
“Pour avoir été tuteur de certains entraîneurs de National, je regardais les championnats (inférieurs), et c’est compliqué. Il y a de bons techniciens mais malheureusement, on ne sait pas les détecter en France”, ajoute l’ancien cadre technique de la Fédération.
La rencontre avec Claude Le Roy va faire basculer sa vie. A la recherche d’un assistant pour entraîner un club chinois, le célèbre “globe-trotter” français avait reçu “peut-être 60 ou 80” candidatures “à la suite d’une interview dans L’Equipe”, raconte-t-il à l’AFP.
– Le Roy, plus qu’un mentor –
C’est Pierre Romero, un ami commun “agent immobilier à Antibes, et qui avait engagé Hervé pour faire nettoyer les immeubles, ou les villas la nuit”, qui lui glisse le nom de Renard lors de sa soirée d’anniversaire.
“Il m’a dit qu’il y avait un entraîneur qui venait de se faire débarquer en 4e division à Draguignan. Je lui ai dit de venir me voir à Avignon. C’est assez drôle parce qu’on a discuté longuement tout les deux et puis à la fin je lui ai dit: +A bientôt+. Pour moi si je disais cela, c’était déjà lui entrouvrir un peu la porte”, se remémore le célèbre “sorcier blanc”.
“Lui quand il est descendu, sa femme l’attendait en bas dans la rue, et il lui a dit: +Bon il m’a dit à bientôt, cela veut dire à jamais+. Quarante-huit heures après, je l’appelais pour lui dire: +Tu viens avec moi en Chine+”, poursuit-il.
Le début de “six années de bonheur” commun qui les mèneront notamment à Cambridge (2004-2005) et surtout au Ghana (2006-2008), avec qui ils termineront 3e de la CAN-2008.
Prêt à se lancer dans la peau d’un N.1, c’est encore Le Roy qui fait jouer son carnet d’adresse africain, en le recommandant vivement au président de la Fédération zambienne. Après un premier passage remarqué (2008-2010), il réussit l’exploit de remporter la CAN-2012. Et à enfin se faire un nom.
– ‘Un meneur d’hommes’ –
Fort de cette aura, l’homme “à la chemise blanche” débarque enfin en première division à Sochaux (2013-2014) pour tenter de sauver le club de la relégation. S’il échoue à assurer le maintien à la dernière journée malgré une sublime “remontada”, son passage a marqué les esprits.
“C’est un meneur d’hommes. Il sait te motiver, il a cette faculté que tout les coaches n’ont pas. Tactiquement aussi il est bon, il ne sait pas que +gueuler+ ou mettre la pression à ses joueurs”, se souvient pour l’AFP l’ancien Sochalien Cédric Bakambu.
“Dans sa manière d’aborder les matches, c’est aussi quelqu’un de très réfléchi, très posé. Mais c’est vrai que ses causeries, c’était quelque chose. Il nous a montré en quelque sorte que tout était possible dans la vie”, ajoute-t-il.
Après avoir relancé sa carrière en menant enfin la génération dorée de la Côte d’Ivoire au sacre à la CAN-2015, il pense accéder à la table des grands à Lille. Mais comme à Sochaux, il est débarqué au bout de quelques mois pour manque de résultats…
C’est encore une fois en Afrique qu’il va se refaire, en prenant les commandes des “Lions de l’Atlas” en 2016. Une réussite absolue. Le Français a signé l’exploit de qualifier le Maroc pour le Mondial, compétition que le pays n’avait plus disputé depuis… 20 ans. Le temps qu’il a mis pour réaliser son rêve.