Une « honte » et un « retour aux années de plomb »: la condamnation des meneurs du mouvement de protestation qui a agité le Maroc en 2016-2017, à de lourdes peines de prison, a suscité des réactions de colère et d’indignation dans le royaume.
A l’issue d’un procès-fleuve de neuf mois, la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca a condamné mardi soir le leader du mouvement Nasser Zefzafi et trois de ses compagnons, à vingt ans de prison pour « complot visant à porter atteinte à la sécurité de l’Etat ».
Les 49 autres militants qui comparaissaient avec eux ont écopé de peines comprises entre un et quinze ans de prison.
Les avocats de la défense ont refusé de plaider par solidarité avec les prévenus, qui ont boycotté les dernières audiences pour dénoncer la « partialité de la justice ».
Après le verdict, les proches des accusés ont quitté le tribunal en criant leur colère contre « l’Etat défaillant » et en scandant « vive le Rif », en référence à la région historiquement frondeuse et marginalisée dans le nord du Maroc secouée par le mouvement de protestation.
Un « simulacre de justice », a tweeté l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), tandis que quelques médias marocains soulignaient la « sévérité » des peines.
« Les décisions désastreuses de l’Etat menacent la stabilité et la cohésion du pays », a fustigé Nabila Mounib, figure de la gauche au Maroc à la tête du PSU (Parti socialiste unifié, gauche), lors d’une conférence consacrée à la contestation sociale dans le pays et aux détentions politiques, mercredi à Casablanca.
Dans la nuit de mardi à mercredi, des rassemblements ont eu lieu à Al-Hoceïma (nord), épicentre du « Hirak » (la mouvance), et dans la ville voisine d’Imzouren, autre haut lieu de la protestation, ont rapporté des médias locaux.
Sur les réseaux sociaux, des milliers d’internautes ont remplacé leur photo de profil par un fond noir, avec des commentaires sur la « honte » qu’ils disent ressentir devant cette « injustice », en comparant les peines avec celles plus « clémentes » prononcées contre les « pédophiles » et les « criminels ».
Des internautes marocains ont pointé un « retour en arrière » vers « les années de plomb » marquées par les exactions commises sous le règne de l’ancien roi Hassan II entre les années 1960 et 1990.
Les manifestations dans le Rif avaient été déclenchées par la mort d’un vendeur de poissons, broyé dans une benne à ordure en octobre 2016.