Le scandale de corruption de députés européens par le Maroc n’est pas passé sans conséquence sur les services secrets de ce pays, accusés d’amateurisme.
Quatre mois après la divulgation du Moroccogate, on parle de disgrâce du patron de la Direction générale des études et de la documentation (DGDE), l’un des principaux dirigeants du renseignement marocains.
Ce sont les maladresses commises dans cette opération qui ont amené la police belge à débusquer les corrupteurs et les corrompus avec une grande facilité.
En décembre dernier, la justice belge a démantelé un réseau de corruption de députés européens par deux États étrangers, le Maroc et le Qatar. Plusieurs personnes, parmi lesquelles des députés anciens ou en fonction, ont été arrêtées et incarcérées.
Les enquêteurs sont arrivés à la conclusion que le réseau a été mis en place de longue date par les services marocains et que les Qataris n’ont fait que l’utiliser pour leur compte.
Les révélations de la presse européenne ont fait ressortir le rôle central de Abderrahim Atmoun, ambassadeur du royaume en Pologne, et de Mohamed Belahreche, officier de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), le renseignement extérieur marocain.
Des écoutes et des aveux de certaines des personnes arrêtées ont établi que les deux responsables marocains remettaient directement de l’argent aux députés corrompus, dont l’Italien Pier Antonio Panzeri.
Une somme de 700.000 euros en liquide a été retrouvée dans l’appartement de ce dernier à Bruxelles.
Au vu de son ampleur, il était évident que l’opération était initiée au niveau central et ne pouvait être l’œuvre d’un diplomate et d’un officier du renseignement.
En janvier dernier, le journal allemand Der Spiegel a révélé qu’au moins trois des personnes arrêtées, Pier Antonio Panzeri, Francesco Giorgi et Éva Kaïlí, ont été en contact direct avec Mohamed Yassine Mansouri, ami du roi et directeur général de la DGED.
Renseignement marocain : une « atmosphère de suspicion »
Des rumeurs avaient aussitôt couru au Maroc, faisant état de la colère du roi contre Mansouri.
Les supputations ont repris de plus belle vendredi 7 avril à l’occasion de la visite au Maroc du directeur général de la CIA américaine, William Burns, à laquelle Yassine Mansouri a brillé par son absence.
Son rival de la DST (Direction de la sûreté du territoire), Abdellatif Hammouchi, était bien là et c’est lui qui a représenté son pays lors des discussions avec la partie américaine. Pour de nombreux observateurs au Maroc, la disgrâce de Mansouri ne fait plus de doute.
Yassine Mansouri est un ami d’enfance du roi Mohamed VI, avec lequel, il a fréquenté le Collège royal de Rabat. En 2004, il est devenu le premier civil à diriger la DGED, jusque-là confiée uniquement à des militaires. Son avenir est désormais plus qu’incertain.
« Mansouri serait tombé en disgrâce auprès du roi Mohamed VI, il y a environ trois mois », écrit le site Maroctvinfo, citant des sources bien au fait des secrets du palais royal.
Le même journal a rapporté une autre version, à savoir que ce sont les Américains qui ont exigé que Mansouri ne soit pas présent lors de la visite de Burns, à cause du même motif de son implication dans le Moroccogate.
« Les conséquences pourraient être majeures pour les services secrets marocains et les relations internationales du pays », estime le média marocain, qui s’interroge sur l’influence du scandale de corruption de députés européens, sur les relations avec les États-Unis en matière de sécurité et de renseignement.
Mais la disgrâce et les tiraillements en interne demeurent l’hypothèse la plus plausible pour de nombreux observateurs. La rivalité entre Mansouri et Hammouchi est un secret de polichinelle au Maroc.
Maroctvinfo décrit une « atmosphère de mystère et de suspicion » qui « pourrait nuire à la cohésion et au bon fonctionnement de ces organisations (de renseignement, ndlr), mettant ainsi en danger la sécurité du Maroc et de ses alliés ».