Que se passe-t-il au Maroc ? Entre la montée de l’influence des frères Azaitar et l’éventuelle abdication du roi Mohamed VI en faveur de son fils Moulay Hassan, les intrigues ne manquent pas au palais royal.
Après les révélations choc du lieutenant dissident de l’armée marocaine Abdelilah Issou, des indiscrétions ont été dévoilées par la presse espagnole sur l’influence des frères Azaitar et sur un probable scénario à l’espagnol à Rabat.
Dans un article publié ce lundi 12 juin et signé du journaliste Ignacio Cembrero, spécialiste du Maroc, El Confidencial révèle les dessous de la relation controversée du roi Mohamed VI avec la fratrie Azaitar. Une relation qui affecte les liens entre les membres de la famille royale marocaine.
El Confidencial commence par s’interroger sur l’hyperactivité du Roi Mohamed VI depuis son retour de l’étranger en mars 2023. En effet, le souverain marocain a enchaîné depuis son retour au Maroc les activités officielles.
Mohamed VI s’est affiché publiquement à Kenitra distribuant des colis alimentaires, à Tanger où il a inauguré un hôpital universitaire ainsi que dans la périphérie de Rabat où il a inauguré un centre de formation professionnelle tout comme il a marqué sa présence à la présentation du prototype d’un véhicule hydrogène à marocain.
Alors que son état de santé suscite des inquiétudes, le Roi Mohamed reprend des activités pour distiller des messages que tout va bien.
C’est la presse marocaine qui s’est chargée de commenter l’hyperactivité du monarque, commente la même source. Sur les pages de l’hebdomadaire Al Ayam, on peut lire que le « roi exerçait ses activités intenses avec vigueur démentant les rumeurs propagées par les adversaires du Maroc ».
De son côté, Hassan Alaoui, le directeur de Maroc Diplomatique, y est allé de son grain de sel. « Le roi est là, de retour. Il règne et on peut dire qu’il gouverne », a-t-il écrit au sujet des sorties du roi.
Le retour du roi Mohamed est un événement au royaume. Le souverain a passé une bonne partie de l’année 2022 hors du Maroc entre la France et le Gabon.
Les escapades du roi et ses activités en privé avaient même fait parler la presse anglaise. The Economist évoquait « le mystérieux roi disparu du Maroc » tandis que The Times commentait « les liens du roi avec un délinquant amateur d’ostentation », rappelle El Confidencial.
Les frères Azaitar : la nouvelle famille royale de Mohamed VI
Le journal espagnol est revenu sur la relation du roi avec la fratrie Azaitar. Les trois frères, deux ex-champions d’arts martiaux et leur frère manager, ont acquis une influence considérable auprès du roi du Maroc, révèle El Confidencial qui les qualifie de « nouvelle famille royale que le souverain a commencé à fonder en 2018 ».
Abu Bakr, Othman et Omar Azaitar se sont imposés comme l’entourage le plus proche de Mohamed VI. Sans intervenir dans la politique, ces derniers décident, selon El Confidencial, de l’agenda personnel du roi, son temps libre et avec qui il s’entretient.
Les Azaitar ont réussi à former un véritable clan dont les rangs commencent à grossir. En effet, les trois frères, originaires du Rif marocain, ont été rejoints par leurs parents ainsi que par des amis qu’ils ont connus à Cologne en Allemagne où ils ont vécu pendant de longues années, indique la même source.
Parmi les nouveaux membres du clan, Yusuf Kaddour, de nationalité espagnole, ex-vice conseiller de la jeunesse à Melilla, le boxeur néerlandais Mohamed Mezouari ainsi qu’un ressortissant afghan qui a fui son pays.
Les frères Azaitar, dont deux ont fait de la prison en Allemagne pour avoir volé des voitures de luxe, agrandissent leur cercle d’influence au Maroc.
Plusieurs de leurs amis d’origine turque ou l’expert russe en arts martiaux Mairbek Taisumov ont obtenu la nationalité marocaine et ont même été invités pour passer des vacances au Maroc comme l’a révélé le journal marocain le Desk en mars dernier.
El Confidencial cite le cas particulier de Gökahn Sezer, 34 ans, qui a été fait citoyen marocain en juillet 2022 avant de devenir au début 2023 consul adjoint du Royaume à Düsseldorf en Allemagne alors qu’il ne parle même pas la langue arabe et n’a pas de diplômes universitaires. Sa nomination a provoqué la colère de la communauté marocaine en Allemagne, ajoute la même source.
Le roi Mohamed VI est devenu inaccessible depuis plusieurs mois, selon El Confidencial. Plusieurs personnalités importantes en visite au Maroc n’ont pas pu le rencontrer, à commencer par la première dame des États-Unis, Jill Biden qui s’est contentée d’une entrevue avec la sœur de Mohamed VI, la princesse Meryem.
La reine des Pays-Bas Máxima Zorreguieta, le chancelier autrichien Karl Nehammer ainsi que le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez n’ont pas eu la chance de rencontrer Mohamed VI durant leurs visites entre février et mars 2023, période durant laquelle il n’était pas au Maroc.
Mohamed VI inaccessible
Entre les raisons de santé et les filtres imposés par la fratrie Azaitar, peu de responsables marocains rencontrent eux aussi le monarque.
Selon El Confidencial, quatre personnalités rencontrent Mohamed VI. Il s’agit de son cousin Mohamed Alaoui, et de son camarade de collège et principal conseiller royal, Fouad Ali el Himma. Les deux autres sont les responsables sécuritaires Yassine Mansouri, chef des renseignements extérieurs (Direction générale des études et de la documentation), et Abdellatif Hammouchi, qui dirige à la fois la Sécurité nationale et la police secrète, la Direction générale de la surveillance du territoire.
Selon El Confidencial, qui cite une source bien informée de ces institutions, ces difficultés d’accès rapide au monarque ont conduit l’armée et les appareils de sécurité à acquérir une autonomie limitée par rapport au Palais royal.
« Maintenant, ils ne soumettent pas toujours a priori leurs décisions, mais ils informent a posteriori. Ils agissent ainsi seulement par hâte, pour être efficaces », précisent ces sources.
La proximité des frères Azaitar avec le roi qui leur a permis d’obtenir plusieurs avantages dans le monde des affaires au royaume dérange une bonne partie de la famille royale marocaine.
Exhibant leur richesse sur les réseaux sociaux, les frères Azaitar ont fait la Une de la presse marocaine. Barlamane titrait au début de 2022 sur le « patrimoine automobile indécent de Omar Azaitar ».
De son côté, Hespress affirmait que « les trois frères sont devenus des bombes à retardement placées partout » et qui « finiront par exploser au visage des Marocains ».
El Confidencial évoque une campagne médiatique lancée en mai 2021 sous l’impulsion des rivaux de la fratrie au palais royal.
Récemment, la famille royale et le clan Azaitar ont été réunis par Mohamed VI à l’occasion de la célébration de l’Aïd-el-Fitr en avril dernier. Entre la fratrie et la famille royale, le courant ne passe pas, révèle El Confidencial.
« Imaginez la princesse Meryem, imprégnée de culture française et résidant une grande partie de l’année à Paris, où elle mène une vie glamour, aux côtés du boxeur afghan », a commenté une source pour El Confidencial. Cette source ajoute que, ce jour-là, les membres de la famille royale marocaine étaient « stupéfaits et en colère à cause de ce qui se passait sous leurs yeux ».
Maroc : un scénario de succession à l’espagnol
Pour sa part, le journal ibérique El Español a révélé dimanche qu’un décret royal portant sur la succession de Mohamed VI est en préparation. Un scénario semblable à celui qui a eu lieu en Espagne en juin 2014 pourrait se produire au Maroc.
« Un décret est en cours d’élaboration pour réformer la succession afin qu’il reste émérite dans l’ombre de son fils. Il continuera à le soutenir tout en gardant le contrôle du pouvoir militaire et de la sécurité », indique le journal El Español citant une source proche du palais royal marocain.
Mohamed VI, de plus en plus fatigué, « souhaiterait abdiquer en faveur de son fils et rester en retrait », selon la même source.
C’est Yassine Mansouri, le chef des services de renseignements extérieurs qui a été chargé de veiller à la transition en douceur du pouvoir de Mohamed VI à son fils Hassan.
Âgé de 20 ans, Moulay Hassan a suppléé son père dans des activités officielles ces derniers mois. Le 30 mai dernier, il a présidé le Cercle des officiers à Rabat à l’occasion du 67e anniversaire de la création des Forces armées royales, indique El Español.
La grande charte, constitution marocaine, promulguée en 2011 stipule dans son article 43 que « la couronne du Maroc et ses droits constitutionnels sont héréditaires et se transmettent de père en fils aux descendants mâles en ligne directe et dans l’ordre (…) à moins que le roi ne désigne de son vivant un successeur parmi ses fils, autre que son fils aîné », ajoute la même source
Avec la maladie et les absences répétées de Mohamed VI, l’élite marocaine, inquiète, commence à se poser des questions. L’hypothèse d’une abdication en faveur du prince héritier Moulay Hassan commence à faire son chemin.
Mohamed Ziane, ancien ministre marocain, a diffusé en septembre 2022 une vidéo dans laquelle il s’est montré très critique vis-à-vis de Mohamed VI à cause de ses absences, et a plaidé pour l’accès au pouvoir du prince Hassan.
L’intervention de Mohamed Ziane lui a valu une condamnation pour atteinte aux institutions et une peine de prison de trois ans qu’il est en train de purger à la prison El Arjat à Salé.
Bien qu’il soit titulaire de la nationalité espagnole, son sort n’a pas suscité des réactions de la part de Madrid, souligne El Confidencial.
El Confidencial met en avant dans son article la proximité du prince héritier Hassan avec sa maman Salma Bennani qui a divorcé du roi en 2018. Cette proximité pourrait retarder son accès au trône.
Les relations conflictuelles de Lalla Salma avec les trois sœurs de Mohamed VI pourraient faire avorter ce scénario. Seule une détérioration grave de la santé de Mohamed VI pourrait mener son fils à la tête du Royaume, indique la même source qui rappelle que le prince Rachid, qui vit la plupart du temps aux États-Unis, n’est pas porté vers le pouvoir.
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