Une année est passée depuis que le Maroc a franchi le pas de la normalisation de ses relations diplomatiques avec Israël. Alors que les officiels des deux pays célèbrent l’accord comme un événement historique, des voix dans la société civile brisent le silence et crient à la trahison.
Le 22 décembre 2020, le Maroc et Israël signaient l’accord de rétablissement de leurs relations, négocié précédemment sous l’égide des Etats-Unis de Donald Trump qui reconnaissaient en contrepartie la souveraineté marocaine sur les territoires occupés du Sahara occidental.
#شاهد | "#لا_للتطبيع لأنه ضد مصلحة #فلسطين .. وجاء الصهاينة الى #المغرب لتخريبه" رئيس الهيئة المغربية لنصرة قضايا الأمة عبد الصمد فتحي pic.twitter.com/vcyJ4MZddd
— فلسطينيو الخارج (@PalesAbroad) December 25, 2021
Les autorités marocaines avaient tenu à mettre en avant dans leur communication cet aspect lié à la « marocanité » du Sahara occidental. Leur stratégie était de justifier par « l’intérêt national » un tel accord qu’ils savaient difficile à faire accepter à une opinion très attachée à la cause palestinienne.
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Les accords de normalisation n’ont pas été contestés par la classe politique marocaine, pas même par les islamistes. C’est même un chef de gouvernement issu d’un parti de cette obédience, Saad Eddine El Othmani en l’occurrence, qui a signé les accords de Rabat.
Le Parti de la justice et du développement (PJD), de la mouvance des Frères musulmans, dirigeait alors le gouvernement marocain. Aux législatives de septembre dernier, il a subi une défaite cuisante que certains analystes imputent en partie à son implication dans le processus de normalisation avec Israël.
لا للتطبيع « جاء الصهاينة الى المغرب لتخريبه » كلمة رئيس الهيئة المغربية لنصرة قضايا الأمة (عبد الصمد فتحي) بعد فض الأمن المغربي بالقوة لوقفة مناهضة للتطبيع #المغرب #فلسطين #المغرب_العربي pic.twitter.com/ZKrWuZ2V5g
— جمال ريان (@jamalrayyan) December 25, 2021
La communication officielle de ce parti, du reste de la classe politique et des autorités marocaines, a tenté de convaincre que la normalisation n’est pas synonyme d’abandon de la cause du peuple palestinien, insistant sur le fait que le roi Mohamed VI est le président du comité Al-Qods, un statut qu’il a hérité de son père Hassan II.
Toute la classe politique et les médias marocains ont acquiescé et repris à leur compte l’argumentaire officiel, ce qui révèle toute la fausseté de la démocratie marocaine : les décisions du roi ne se discutent pas, ni au parlement ni sur les colonnes de journaux.
La société civile a néanmoins commencé à bouger au fil des étapes successives franchies dans la normalisation, du lancement de lignes aériennes directes entre les deux pays à la visite du ministre israélien de la Défense, Benny Grantz à Rabat en novembre dernier.
La grogne a pris de l’ampleur après la signature d’un protocole de défense par Benny Grantz et son homologue marocain le 24 novembre à Rabat, un accord qualifié de « sans précédent ». Israël entretient des relations avec l’Egypte depuis 1978 et avec la Jordanie depuis 1994, mais il n’a pas signé d’accord militaire avec eux. Avec un tel pas, toutes les limites ont été franchies.
Marches et parodie de procès
La protestation contre la normalisation est menée par une organisation particulièrement active, le Front marocain de soutien à la Palestine, constitué de militants de partis politiques qui rejettent la compromission des directions de leurs formations.
Pour marquer le premier anniversaire de cet accord, qualifié de trahison, ce Front a appelé à des marches à travers 38 villes marocaines, pour jeudi dernier sous ce slogan explicite : « Notre bataille continuera jusqu’à l’annulation des accords de normalisation et de coopération militaire ».
A Rabat, la marche a été empêchée par la police, mais là où elles ont été tolérées, les manifestations ont drainé du monde. Une partie de la société civile et de l’opinion publique marocaines ne partagent pas l’orientation du palais royal, du gouvernement et de la classe politique de leur pays.
A la même occasion, le Front a organisé une parodie de procès qui a vu les anti-normalisation présenter leurs charges contre Israël et expliquer les dangers de la normalisation pour la cause palestinienne et pour le Maroc.
« Le ministre de la Défense de l’entité sioniste est un criminel de guerre et responsable de plusieurs massacres notamment dans la Bande de Ghaza, dont certains se hissent au rang de crimes contre l’humanité », avait noté le Front, appelant même la justice marocaine à « jouer son rôle et procéder à l’arrestation du Boucher de Gaza dès son arrivée au Maroc ».
Outre les nombreuses actions menées par le Front contre la normalisation, la société civile a spontanément réagi en mettant à profit le récent mouvement de contestation contre une loi relative au secteur de l’éducation.
Des milliers de jeunes marocains, notamment des universitaires, ont manifesté ces dernières semaines dans plusieurs villes pour rejeter la limitation d’âge pour le recrutement d’enseignants, mais les marches se sont transformées en mouvement de rejet de la normalisation.
Les slogans scandés et les pancartes brandies étaient très explicites. Sur cette question de rapprochement avec Israël au détriment de la cause palestinienne, il y a bien un gap entre le peuple marocain et ses dirigeants.