Les enquêtes de la presse internationale sur les extravagances du roi du Maroc Mohammed VI se poursuivent, révélant des réalités et des faits aussi graves les uns que les autres.
La dernière en date est publiée par le magazine français Marianne et lève le voile sur la fortune véritable du monarque et sa prédation qui n’épargne rien de l’économie marocaine, jusqu’aux terres des petits paysans.
Les faits dévoilés sont ahurissants, bien que l’enquête ne soit pas allée à son terme. Le magazine explique que ses journalistes qui enquêtaient sur la richesse royale ont été expulsés du pays manu militari par les autorités marocaines le 20 septembre dernier.
En 2015, le magazine américain Forbes a estimé la fortune du roi Mohammed VI à 6 milliards de dollars, mais Marianne souligne que le chiffre est loin d’être conforme à la réalité.
Forbes n’a pris en compte que les capitalisations boursières des entreprises de Mohammed VI, très nombreuses d’ailleurs et présentes quasiment dans tous les secteurs d’activité de l’économie marocaine.
Aux six milliards de dollars de la fortune personnelle avérée du roi, il faut ajouter ce que lui paye le contribuable marocain en rémunération et en frais divers de fonctionnement du Palais royal et des résidences que possède Mohammed VI à l’étranger et dans toutes les villes marocaines, y compris celles de petite taille : 657.000 euros par jour, un budget en augmentation de 40% depuis 2001.
Le roi Mohammed VI et sa famille consomment chaque année un budget supérieur à celui de six ministères et 23 fois plus élevé que celui du chef du gouvernement.
Mais ce n’est pas tout. Car comme l’explique l’économiste marocain Fouad Abdelmoumni au magazine Marianne, le roi ne possède au Maroc que ses 17 palais officiellement connus.
“En réalité, il n’y a pas une ville, même petite, où le roi n’a pas au moins une résidence”, dit-il. Ces résidences emploient une main-d’œuvre “gargantuesque” qui est rémunérée en permanence avec de l’argent parfois siphonné sur le budget de différents ministères.
Néanmoins, ce que coûte réellement le train de vie du roi Mohammed VI à son peuple, personne ne le sait. Les montants officiels seraient en réalité une broutille, à en croire Driss Basri, l’ancien tout puissant ministre de l’Intérieur de Hassan Il.
“Les montants officiels ne suffiraient même pas à déplacer le cortège royal du cœur du palais jusqu’à la porte”, révélait depuis son exil parisien celui qui a été limogé par Mohammed VI dès son accession au trône en 1999.
Mohammed VI profite aussi de sa position pour s’enrichir. La holding El Mada, qui regroupe toutes ses sociétés, a la mainmise sur l’économie marocaine (énergie, finance, BTP, mines, éducation privée, grande distribution…) jusqu’à faire des Marocains non plus les sujets du roi, mais ses “clients”.
Le conflit d’intérêt est manifeste puisque ces sociétés activent aussi dans les secteurs régulés par l’État, donc par le roi lui-même.
Au Maroc, la richesse du roi n’a d’égal que la pauvreté du peuple
Les difficultés ont beau frapper le royaume, la Holding royale ne connait jamais la crise. Pendant celle du Covid-19, les entreprises royales réunies ont réalisé un bénéfice record de plus de 300 millions d’euros.
L’enquête de Marianne explique que cette mainmise sur l’économie, Mohammed VI l’exerce grâce aux prérogatives qu’il a de nommer les régulateurs et les donneurs d’ordres publics, du gouverneur de la banque centrale aux directeurs des offices de l’électricité, de l’eau, des aéroports…
Exemple concret de ce conflit d’intérêts : la société Nareva, appartenant à Mohammed VI, a remporté en 2016 tous les appels d’offres du gigantesque projet qui devait faire du Maroc un grand producteur d’énergie solaire, bien que les prix proposés soient supérieurs à ceux des concurrents. Résultat, l’électricité produite coûte 8 fois plus cher que celle d’origine fossile, explique l’économiste Fouad Abdelmoumni.
Et pendant que le roi Mohammed se remplit les poches, le peuple marocain s’appauvrit. Selon le même économiste, 90% des 27,5 millions de Marocains en âge de travailler ne touchent pas le SMIG porté en septembre dernier à 3120 dirhams (283 euros), étant donné que cette proportion de la population est au chômage, travaille à temps partiel ou active dans l’informel.
Le magazine Marianne s’est aussi intéressé aux acquisitions foncières du roi et de son entourage, parfois au détriment de pauvres paysans. L’enquête décrit Mohammed VI comme un “prédateur redoutable”.
Les journalistes du magazine français se sont attardés sur la résistance que tentent d’opposer une trentaine de familles du douar Ouled Sbita, près de Rabat, à l’implantation d’une zone résidentielle et d’un court de golf sur un terrain de 450 hectares leur appartenant. Le projet est mené par un ancien proche du roi, Anas Sefrioui, fondateur de la société Addoha.
Selon l’enquête de Marianne, les trois quarts du million d’hectares des meilleures terres arables appartenant aux tribus et déclarées incessibles à l’indépendance en 1956, ont aujourd’hui “disparu en douce”.
Elles ont été distribuées par le roi à son cercle, une habitude héritée de son père Hassan Il qui agissait ainsi pour calmer les ardeurs des militaires après les coups d’État de 1971 et 1972. Mohammed VI a perpétué la pratique pour fragiliser son entourage et s’assurer sa loyauté.
À Ouled Sbita, les habitants ne sont toujours pas indemnisés, 17 ans après leur expropriation de force. Les rares journalistes qui ont osé enquêter sur cette affaire l’ont payé cher. C’est notamment le cas de Omar Radi, qui purge une peine de six ans de prison pour des accusations fallacieuses d’agression sexuelle.