Le procès du directeur d’un quotidien marocain indépendant, Taoufiq Bouachrine, accusé de violences sexuelles, a repris jeudi dans une ambiance tendue, avec des débats marqués par des protestations de ses avocats et des questions sur le nombre exact de victimes.
Connu pour sa liberté de ton, le journaliste de 49 ans qui dirige le quotidien arabophone indépendant Akhbar al-Yaoum a été arrêté le 23 février dans les locaux de son journal, au cours d’une descente policière spectaculaire. Son procès s’est ouvert le 8 mars devant une cour de Casablanca (ouest).
L’affaire focalise depuis l’intérêt des médias marocains, avec des salves de réactions et des avis très partagés, du fait de la personnalité de l’accusé et de la gravité des charges.
Le directeur du quotidien doit en effet répondre de “traite d’êtres humains”, “violences sexuelles”, “abus de pouvoir à des fins sexuelles”, “viol et tentative de viol” ou “attentat à la pudeur avec violence”.
Taoufik Bouachrine conteste tout: il “ne veut pas démontrer son innocence mais faire éclater la vérité”, a déclaré Idrissi Abdessamad, un de ses avocats pendant l’audience.
“Malgré plusieurs audiences, on ne sait pas très bien si les allégations formulées contre M. Bouachrine sont corroborées par un quelconque commencement de preuve”, a de son côté déclaré Me Rodney Dixon, un avocat britannique membre de l’équipe défendant le journaliste.
Absent à l’audience de jeudi, l’avocat a dénoncé dans ce communiqué “un simulacre” de procédure conduit “de façon injuste et abusive”.
Les accusations reposent sur des vidéos saisies dans le bureau du directeur au moment de son arrestation. Et, selon le juge de la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca, 15 femmes se sont portées “parties civiles”.
Huit d’entre elles étaient absentes jeudi au tribunal. Parmi ces dernières, au moins trois ont déjà fait savoir qu’elles n’avaient rien à reprocher à l’accusé.
“Je refuse d’être instrumentalisée dans un règlement de compte politique. Je n’ai jamais été victime de harcèlement ni d’aucune agression sexuelle de la part de M. Bouachrine. Je n’ai jamais porté plainte contre lui”, a ainsi déclaré à l’AFP l’une d’elle, Amal Houari, en marge du procès.
Une autre a démenti avoir été victime de harcèlement et déposé plainte contre la police. Le parquet a décidé de la poursuivre pour “fausse déposition”.
Au moins quatre des plaignantes maintiennent cependant leurs accusations. Le fait que certaines se désistent ne change rien à la “culpabilité” de l’accusé, a déclaré à l’AFP leur avocat Me Habib Haji.
Les plaintes pour viol sont très rares au Maroc: les victimes redoutent les effets sur leur réputation dans une société qui reste largement conservatrice et craignent d’être elles-mêmes poursuivies, alors que les relations sexuelles hors mariage sont interdites.