Les autorités marocaines ont interdit une conférence consacrée aux libertés individuelles sur des thèmes variés comme le droit à disposer de son corps ou l’égalité hommes-femmes dans l’héritage, a-t-on appris mercredi auprès des organisateurs.
“Je viens de recevoir la décision d’interdiction, c’est une catastrophe, le pays recule, ils ont peur des salafistes”, a déclaré à l’AFP Noureddine Ayouche, le président du Collectif “Démocratie et libertés” qui organisait les débats prévus vendredi et samedi à Casablanca.
Ce colloque international, intitulé “libertés individuelles à l’ère de l’Etat de droit”, devait réunir des intellectuels du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, d’Irak et de France, ainsi que des défenseurs des libertés individuelles.
Les débats devaient aborder des thèmes comme le droit des minorités religieuses, la sécularisation, l’égalité hommes-femmes dans l’héritage, le droit à l’avortement et le droit des homosexuels.
Des hommes politiques marocains de tous bords avaient été invités mais, selon M. Ayouche, “la plupart se sont excusés ou ont refusé le débat”.
Ces derniers jours, “Houya presse”, un site d’information défendant des positions salafistes, avait fait campagne contre cette conférence, accusant M. Ayouche et son association “d’inciter à la débauche” et “d’ébranler la foi des Marocains”.
D’autres médias aux positions plus libérales avaient souligné l’intérêt de ces débats visant à “briser les tabous”.
La question des libertés individuelles n’est pas nouvelle au Maroc. Depuis des années, des militants et des intellectuels prennent ouvertement position pour la suppression de certaines lois du code pénal.
Un projet de réforme du code pénal, actuellement débattu en commission parlementaire, maintient toutes les sanctions concernant les relations sexuelles hors mariage, l’homosexualité, le prosélytisme religieux ou la non-abstinence en public pendant le ramadan, selon le texte publié sur le site officiel du ministère de la Justice.
En 2017, la justice marocaine a poursuivi 17.280 personnes pour “débauche” (sexe hors mariages entre adultes), 197 pour homosexualité et 61 dans des affaires d’avortement, selon des chiffres officiels publiés mi-juin.
La question des minorités religieuses a été récemment relancée par la création d’une association regroupant différentes confessions, qui était invitée à la conférence.
Le ministre d’Etat marocain chargé des droits de l’Homme, Moustapha Ramid, avait mis en garde contre le “danger à long terme” que représente la liberté de conscience pour la “cohésion” du pays, dans un récent entretien à la presse.