Nasser Zefzafi, condamné mardi soir à Casablanca à 20 ans de prison à l’issue du procès fleuve du “Hirak”, s’est imposé comme le visage de la contestation populaire dans le nord du Maroc, avec ses discours virulents contre l’Etat “corrompu” ou “l’arbitraire” du pouvoir.
Jugé aux côtés de 52 autres accusés, cet homme à la mâchoire carrée, cheveux ras et tête de rugbyman, risquait théoriquement la peine de mort pour “complot visant à porter atteinte à la sécurité intérieure”.
Il avait été arrêté l’an dernier pour avoir interrompu le prêche d’un imam ouvertement hostile au mouvement dans une mosquée d’Al-Hoceïma, l’épicentre de la protestation qui a secoué la région historiquement frondeuse et marginalisée du Rif entre octobre 2016 et juillet 2017.
Devant la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca, cet ancien chômeur de 39 ans, devenu meneur charismatique grâce à ses talents d’orateur, a fustigé un “procès politique” et des “accusations vides”.
– “Résistance” –
“C’est un procès contre les symboles de la résistance (…). La capitale Rabat a toujours considéré les Rifains comme des frondeurs”, a-t-il dit en avril dernier, alors que les débats avaient commencé à se focaliser sur les intentions “séparatistes” des militants.
A la barre, le meneur a aussi assuré avoir été “torturé” pendant un interrogatoire de la police. Toutes les accusations de violences policières ont systématiquement été rejetées par les autorités marocaines.
Lors des manifestations qui ont agité Al-Hoceïma ou sur les réseaux sociaux, Nasser Zefzafi avait dénoncé sans relâche la “dictature”, “la corruption” ou encore la “répression” de “l’Etat policier”, tout en insistant sur le caractère “pacifique” du mouvement.
N’accordant aucun crédit aux partis politiques – des “pions” selon lui-, il en appelait alors directement au roi Mohammed VI pour enclencher une dynamique de développement dans cette région marginalisée et pauvre en infrastructures.
C’est sur la base de discours prononcés l’an dernier par le roi sur la nécessité de relancer le développement dans les régions déshéritées qu’il a construit l’essentiel de sa ligne de défense.
– Propos virulents –
“Ces discours sont venus avec des messages nouveaux sur la corrélation entre responsabilité et reddition des comptes, sur les calculs politiques étriqués (…), le même message” que celui du mouvement Hirak, a dit le meneur. “Ce procès va à contre-courant des discours du roi”, a-t-il lancé pendant son audition.
Pour sa défense, il s’est aussi référé à la Constitution marocaine qui “autorise les manifestations pacifiques”.
Fin octobre 2016, quand la mort atroce à Al-Hoceïma (nord) d’un vendeur de poisson, broyé accidentellement dans une benne à ordures, choque le pays, il n’est qu’un simple militant sur les réseaux sociaux. Devenu très populaire dans sa ville natale d’Al-Hoceïma, l’épicentre de la contestation, il a aussi été critiqué pour ses “surenchères”, ses propos parfois très virulents et la manière dont il avait écarté plusieurs partisans.
Aux derniers jours du procès, le ténor du Hirak, comme les 52 autres militants jugés avec lui, a boycotté les audiences pour dénoncer la “partialité” de la justice marocaine. Tous les accusés ont refusé de prendre la parole à la fin du procès et leurs avocats ont refusé de plaider.
Les peines prononcées mardi soir en leur absence par la chambre criminelle de la cour d’appel de Casablanca vont de un à vingt ans de prison.