Des associations ont déposé une plainte à Paris pour des soupçons de blanchiment en France visant un homme d’affaires mauritanien et opposant au régime de Nouakchott qui l’accuse de corruption, ont-elles annoncé mercredi dans un communiqué.
Homme d’affaires et mécène franco-mauritanien, Mohamed Ould Bouamatou est accusé par le régime du président Mohamed Ould Abdel Aziz d’avoir financé en 2017 un groupe de sénateurs qui a mené une fronde contre le référendum constitutionnel ayant mené à la suppression du Sénat.
Il est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités mauritaniennes après avoir été inculpé pour corruption dans ce pays en août 2017.
Les associations plaignantes – l’ONG Avocats sans frontières, l’Observatoire mauritanien de lutte contre la corruption et la Coalition contre la corruption en Mauritanie – suspectent que des « opérations d’investissements mobiliers et immobiliers » réalisés en France par M. Bouamatou sont « susceptibles de caractériser des opérations de blanchiment et de recel », compte tenu de « l’existence de sérieuses présomptions de corruption, fraude fiscale et d’abus de biens sociaux », selon cette plainte dont l’AFP a eu connaissance.
La plainte déposée le 29 juin par les avocats Sébastien Journé, Gilles-William Goldnadel et Mohamed Ould Sid Ahmed, s’appuie notamment sur des données recueillies par les autorités mauritaniennes à partir d’ordinateurs, téléphones et documents abandonnés par un des plus proches collaborateurs de M. Bouamatou, Mohamed Debagh, lors de son interpellation à la frontière avec le Sénégal le 25 avril 2017.
Mohamed Ould Bouamatou, fondateur du groupe BSA et de la banque GBM, est depuis plusieurs années en rupture avec le dirigeant mauritanien – son cousin – qu’il avait soutenu durant sa campagne présidentielle de 2009. Il a quitté la Mauritanie en 2011 et vivrait désormais en France, selon la plainte.
« La dureté des conclusions du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire, s’agissant de l’enquête pour corruption en Mauritanie visant notamment M. Bouamatou, disqualifie totalement toutes les investigations menées dans ce pays », a réagi auprès de l’AFP son avocat William Bourdon.
En avril, le groupe onusien avait demandé à la Mauritanie de « prendre les mesures qui s’imposent pour remédier sans tarder à la situation » de Mohamed Ould Ghadde, meneur de la fronde au Sénat, dont elle qualifie la détention d' »arbitraire ».
« Qu’un avocat du barreau de Paris, en utilisant l’ONG Avocats sans frontières, qui n’est que son instrument, agisse comme un pur lobbyste au service d’un État étranger est ahurissant », a estimé Me Bourdon.
« Personne n’instrumentalise plus une ONG que ce qu’il fait avec Sherpa », l’association anticorruption que préside William Bourdon, lui a répondu Me Goldnadel.
« Cette plainte fera évidemment long feu et ses inspirateurs devront s’expliquer dans le cadre de l’enquête ouverte à la suite de la plainte que j’ai déposée pour +violation du secret des correspondances+ », a ajouté Me Bourdon.