Mohamed Ben Zayed est devenu ce samedi 14 mai le troisième président des Émirats arabes unis, succédant à son demi-frère Khalifa Ben Zayed, décédé des suites d’une maladie.
L’accession au pouvoir de celui qui est connu sous l’acronyme de MBZ n’est pas à vrai dire une surprise tant elle était attendue depuis que le désormais chef d’État est désigné prince héritier d’Abou Dhabi, et dirigeant de facto du pays, après l’AVC dont été victime Khalifa Ben Zayed en 2014.
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La constitution et les usages de ce conglomérat d’émirats fondé il y a un demi-siècle, veulent que la présidence de l’Etat échoit au prince d’Abou Dhabi.
Et le riche et stable pays du Golfe n’est pas connu pour des dissensions entre les chefs des sept émirats qui le composent, encore moins pour des luttes intestines pour le pouvoir. Tout d’ailleurs s’est passé en douce, sans accrocs et avec célérité. Le défunt président est mort vendredi, il a été enterré le même jour et les sept émirs se sont réunis samedi et élu un nouveau chef de l’Etat.
Même si elle formalise la fin d’une époque, la désignation de MBZ ne devrait pas non plus générer de profonds changements sur la politique tant interne qu’externe des Emirats arabes unis pour la simple raison que le chamboulement a déjà eu lieu, précisément depuis que le prince s’est imposé en véritable régent. Depuis 2014, année où un AVC a affaibli son demi-frère, c’est lui qui dirige de fait les affaires de l’État et sa désignation comme président ne fait que formaliser les choses.
Si sur le plan interne, le jeune prince n’a fait que poursuivre l’œuvre de développement et de modernisation entamée par le père-fondateur Zayed Ben Soltane Al Nahyan, avec le succès qu’on connaît, il a en revanche laissé son empreinte en matière de politique étrangère avant même d’accéder officiellement à la présidence.
Sous sa houlette, les Emirats pèsent depuis quelques années dans la géostratégie régionale, n’hésitant pas à intervenir en dehors de leur territoire, directement comme au Yémen où ils participent militairement à la coalition menée par l’Arabie Saoudite contre les rebelles Houthis, ou indirectement en Syrie, en Libye et dans d’autres pays. En 2017, les Emirats arabes unis ont participé avec les autres Etats du Golfe et l’Égypte au blocus contre le Qatar.
L’architecte de la normalisation
Le fait le plus marquant de MBZ en matière de politique étrangère reste cependant son rôle dans les accords dits d’Abraham qui ont vu quatre Etats arabes supplémentaires normaliser leurs relations avec Israël en 2020 (Emirats, Bahreïn, Maroc et Soudan qui s’ajoutent à l’Égypte et la Jordanie).
Avec Jared Kushner, le gendre de l’ancien président américain Donald Trump, MBZ est considéré comme l’autre architecte de ces accords qui chamboulent la configuration du conflit israélo-arabe et les relations inter-arabes.
En 2017, l’Arabie Saoudite, plus grand État de la région, a vu elle aussi l’avènement d’un prince héritier aux pouvoirs qui dépassent son statut et désigné lui aussi par un acronyme : MBS, pour Mohamed Ben Salmane.
Depuis, les deux hommes à l’ambition sans limite forment un binôme de choc qui bouscule l’ordre établi, jusqu’à contrarier les États-Unis, pourtant protecteur historique des monarchies du Golfe.
Derniers exemples en date, la bravade de MBS à Joe Biden sur les questions des droits de l’homme et de production de pétrole, et les hésitations de MBZ à suivre l’Occident dans les sanctions contre la Russie suite à son invasion de l’Ukraine.
La normalisation avec Israël, la guerre au Yémen, les ingérences en Syrie, en Libye et au Liban, la mise au ban du Qatar et l’arrestation à la hussarde de dizaines d’hommes d’affaires saoudiens en 2017, sont autant de faits qui ne laissent pas de doute que la région est entrée sous l’impulsion de MBS et de MBZ dans une nouvelle ère, celle du pragmatisme politique et diplomatique qui tranche avec le formalisme, le dogmatisme et la sagesse de l’ancienne génération des dirigeants arabes.
Le duo entreprend aussi de changer le visage sociétal et même religieux du monde arabe. En Arabie Saoudite en tout cas, on assiste à une véritable révolution des mœurs simultanément à l’abandon progressif de l’idéologie wahhabite qui fonde le royaume.
Dans un mémorable entretien publié en mars dernier par le magazine américain The Atlantic, Mohamed Ben Salmane a fait part d’un projet de révision du corpus des hadiths du prophète de l’islam, pour ne laisser que les plus authentiques. Le projet devrait être mené à terme dans deux ans. D’ici là, il aura peut-être accédé lui aussi au trône…