Des dizaines de détenus d’opinion ont été libérés ces dernières 48 heures à la surprise générale. Quel est votre sentiment ?
Me Nourredine Benissad, avocat et président de la LADDH. D’abord, ces personnes retrouvent leur liberté, car il n’y a pas pire que la privation de sa liberté. Ensuite, nous avons toujours dit que le droit d’exprimer une opinion n’est ni un crime ni un délit.
Ces gens-là ont été sanctionnés alors qu’ils n’ont fait qu’exprimer un droit constitutionnel et ils ont été privés de leur liberté qui est consubstantielle à la nature humaine. Donc, à chaque fois qu’une personne est remise en liberté on ne peut évidemment qu’en être satisfait.
Nous appelons aussi à ce que les autres détenus d’opinion encore en prison soient immédiatement libérés. En même temps, nous appelons à cesser les campagnes d’arrestations. Les Algériens doivent s’exprimer et manifester librement. Il ne faut surtout pas qu’on fasse sortir des personnes pour faire entrer d’autres en prison !
Y voyez-vous une mesure d’apaisement ?
Bien entendu, les mesures d’apaisement ne peuvent être décidées que par le pouvoir politique. Sans entrer dans les considérations liées à l’indépendance de la justice, je pense qu’à chaque fois qu’une personne (détenu d’opinion) est remise en liberté, il ne faut pas se poser de questions.
Le climat politique pourrait-il être impacté positivement ?
Clairement. On ne peut pas parler d’apaisement et de retrouver un climat serein et en même temps emprisonner toutes les personnes qui n’ont fait qu’exprimer une opinion et qui ont été plus ou moins actives dans le Hirak.
Aussi paradoxal que cela puisse se présenter, c’est au moment où le peuple demande plus de libertés qu’on porte atteinte à ce principe même de liberté. Il est donc clair que ces mesures doivent trouver leur prolongement, à commencer par la libération de tous les détenus d’opinion sans exception.
Il reste qu’on ne peut pas avancer si toutes les restrictions sur la liberté de la presse, la liberté de manifester et de s’exprimer ne sont pas levées. Il faut des mesures pour l’ouverture des champs médiatique et politique. Il est impératif de laisser l’expression plurielle dans notre pays, pour qu’il y ait un climat apaisé.
Ces dernières semaines, on a enregistré des actes de violence à l’encontre de manifestants pacifiques. Quelle est votre réaction ?
D’abord, tout acte qu’il soit physique ou verbal doit être clairement dénoncé. Il ne faut pas laisser passer des actes pareils. Il faut aussi dénoncer le discours de la haine, de la discrimination et de la division, et le bannir du champ médiatique.
Les autorités politiques doivent aussi avoir le courage et la volonté politiques d’ouvrir des enquêtes et d’interpeller toutes les personnes qui distillent un discours haineux et de violence, ou qui exercent une violence physique. Ces personnes doivent être identifiées et traduites devant les tribunaux pour répondre de leurs actes.