Dans cet entretien, l’avocat Me Khaled Bourayou estime que le recours systématique par le juge d’instruction à la détention préventive n’est pas la meilleure solution. À ce titre, il considère que cette mesure n’est pas de nature à prendre en charge les caractéristiques des infractions pour lesquelles sont poursuivis des hommes d’affaires et ne peut constituer une solution à ces poursuites. Il considère que la récupération des avoirs de l’Etat est plus à même de prendre en considération les intérêts de l’entreprise que ceux de l’Etat. Entretien.
Quel est votre lecture des affaires judiciaires en cours ?
La particularité de cette campagne judiciaire c’est qu’elle est la résultante d’un mouvement social qui a la caractéristique d’un mouvement révolutionnaire qui vise à faire émerger un système institutionnel basé sur les valeurs de liberté, les droits fondamentaux et la justice sociale.
A ce titre, je considère qu’une meilleure prise en charge de ces poursuites ne peut se faire que dans le cadre du respect des droits de la défense et des exigences d’un procès équitable. Il est aisé de prendre en considération ces infractions pour engager, via des mécanismes à mettre en œuvre, le processus de récupération par l’Etat de ces avoirs par la négociation, dans le cadre de la médiation pénale avec les hommes d’affaires.
Justement, quels sont les moyens à même de récupérer ces deniers publics ?
Il faut imaginer des mécanismes et des solutions qui permettent à l’Etat d’auditer et d’évaluer les avoirs des entreprises pour voir dans quelle mesure ladite entreprise a pris en charge les crédits et les soutiens de l’Etat, s’ils sont conformes à la loi et que l’entreprise n’a pas détourné ces biens.
Il est nécessaire que ces poursuites qui sanctionnent les hommes d’affaires ne doivent en aucun cas sanctionner les entreprises, ce qui permet de sauver les emplois de plusieurs milliers de travailleurs. Il faut préserver l’entreprise et l’emploi.
Avec la mise en détention préventive d’ex-hauts responsables, est-ce le signe de la fin de l’impunité politique ?
Aujourd’hui, il y a des investigations plus poussées qui déterminent la responsabilité de ceux qui ont contribué, de près ou de loin, directement ou indirectement, à faire bénéficier certains de crédits bancaires. Il demeure cependant entendu que tous ces hommes qui sont poursuivis doivent bénéficier de la présomption d’innocence, et ce n’est qu’à l’issue d’un procès équitable qu’on pourrait considérer qu’ils font l’objet d’une accusation ou d’une condamnation.
Le recours exagéré à la prévention préventive ne doit pas se traduire par une condamnation préalable. Mais cela doit se traduire par un élément à même de contribuer à une information objective. Le juge doit recourir à la détention préventive que lorsque le prévenu ne présente pas des garanties de se représenter devant la justice à chaque fois qu’elle l’appelle, ou que sa présence à l’extérieur risque d’être compromise par des contacts divers susceptibles d’altérer l’instruction ou encore lorsque la détention préventive protège le prévenu.
L’ex-président Abdelaziz Bouteflika pourrait-il être jugé comme le réclament beaucoup de voix ?
Non, les anciens présidents ne peuvent pas être jugés, sauf s’ils ont commis des actes de haute trahison. À mon avis, la gestion des affaires de l’Etat revenait à un chef de gouvernement reconduit en Premier ministre. Donc, la responsabilité revient aux Premiers ministres et aux ministres. Pour moi, prouver la responsabilité du président n’est pas une mince affaire.