En Algérie, le départ des médecins vers l’étranger inquiète le secteur médical. Quelles sont les raisons et les conséquences de ces départs massifs et d’une telle hémorragie sur l’Algérie ?
La France est la principale destination des médecins algériens pour des raisons liées à la maîtrise de la langue, à la proximité géographique et à la demande en praticiens et spécialistes dans ce pays.
En France, les médecins étrangers dont ceux formés en Algérie doivent passer des épreuves de vérification des connaissances. Ces épreuves s’adressent aux praticiens, quelle que soit leur nationalité dès lors qu’ils ont obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen.
Les diplômes de ces praticiens leur permettent l’exercice en France des professions de médecin, chirurgien-dentiste, de sage-femme ou de pharmacien.
Au terme de la procédure d’autorisation de plein exercice, ces praticiens qui l’auront obtenue pourront exercer en France leur profession. Le gouvernement français compte aussi créer une carte de séjour spécifique destinée à attirer en France les professionnels de santé étrangers.
Il y a quelques jours, des vidéos et des photos publiées sur les réseaux sociaux montrant une importante foule de médecins devant le centre de passage des épreuves de vérification de connaissances près de Paris ont relancé le débat sur l’exode des soignants algériens.
L’exode des médecins algériens n’a fait que croître ces dernières années, analyse dans un entretien accordé, dimanche 17 septembre, à TSA, le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat autonome des praticiens de santé publique (SNPSP).
« La saignée continue malheureusement dans le secteur de la santé publique en Algérie car ce dernier est doublement pénalisé par un départ massif de ses compétences vers le secteur privé en Algérie et vers l’étranger », déplore le Dr Lyes Merabet.
Attirés par de meilleures conditions de travail et de vie ainsi à l’étranger, les médecins algériens s’expatrient massivement.
« C’est un potentiel humain aux compétences confirmées que nous n’avons pas pu retenir devant la non-concrétisation de beaucoup de promesses faites par les pouvoirs publics depuis des années et relayées notamment par les syndicats que nous sommes. Des promesses qui devraient permettre de mettre en place des mesures d’intéressement et des solutions concrètes sur le terrain pour améliorer les conditions socioéconomiques de ces professionnels », regrette le Dr Lyes Merabet.
Pour pallier la pénurie de soignants, la France recrute des milliers de médecins étrangers, parmi lesquels figurent de nombreux Algériens.
« Le phénomène du départ massif de nos médecins vers l’étranger, spécialement vers la France, ne date pas d’aujourd’hui. Nous n’avons pas cessé d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la gravité du problème et surtout sur les conséquences sur le fonctionnement de nos structures de santé publique », rappelle le Dr Merabet.
L’Algérie voit partir des milliers de médecins vers l’étranger
Le secteur de santé publique voit ses ressources abandonner leur pays pour exercer sous d’autres cieux. L’Algérie voit désormais partir des milliers de médecins par an, des praticiens pour lesquels elle a dépensé beaucoup d’argent pour les former.
« Malheureusement, les solutions proposées par les différentes organisations syndicales représentatives tardent à se mettre en place. Chaque année, à l’occasion des épreuves de vérification des connaissances organisées en France, on continue malheureusement de faire le constat en rabâchant les mêmes paroles et les mêmes expressions », se désole le syndicaliste.
Le Dr Merabet a même avancé récemment le chiffre de 1.200 médecins algériens en instance de quitter le pays pour exercer en France.
« À cela s’ajoutent d’autres problèmes concernant les conditions de travail, le déroulement de la carrière professionnelle que ce soit dans le secteur de la santé publique ou dans le secteur de l’enseignement supérieur. Il y a pleines de situations qui font que nos jeunes ou moins jeunes médecins pensent à quitter le secteur public vers le privé ou s’installer à l’étranger où les conditions de travail sont meilleures et où la post-graduation offre de meilleures opportunités et où la qualité de l’enseignement et de la recherche est meilleure », énumère le Dr Merabet.
Alors que l’Algérie voit ses médecins partir, d’autres pays multiplient les mesures pour attirer les praticiens étrangers. « De nombreux pays, (notamment la France), qui ont besoin de ces compétences médicales, n’ont pas lésiné sur les moyens au niveau réglementaire, financier, et de l’intéressement. Des mesures ont été mises en place pour attirer ces compétences afin de répondre aux besoins de la population française », compare le leader du SNPSP.
« La France qui accuse un important déficit en médecins dans différentes spécialités compte combler les déserts médicaux dont souffrent de nombreux départements. Á cela, s’ajoute le fait que le secteur de la santé dans ce pays est démuni par le fait que de plus en plus de jeunes français ne sont plus intéressés par les études de médecine, préférant des formations universitaires courtes pour intégrer rapidement le marché du travail », développe le Dr Merabet.
Le président du SNPSP cite enfin un autre facteur : le départ à la retraite massif de médecins français qui ont largement dépassé l’âge de la retraite et qui ont été retenus, ces dernières années, pour combler le déficit en moyens humains.
« Dans ces pays, des mesures réglementaires permettant l’amélioration des conditions socio-professionnelles ont été prises en 2021-2022, pour attirer les médecins étrangers pour répondre aux besoins de la population en matière de santé publique », souligne-t-il.