Mehdi Chouiten, 38 ans, est un spécialiste algérien de la Data et de l’intelligence artificielle.
Formé en Algérie avant de poursuivre ses études, en France et aux États-Unis, il est co-fondateur de Datategy, une entreprise d’intelligence artificielle, basée en France et présente dans plusieurs pays, y compris en Algérie. « C’est la seule usine d’IA en France », précise-t-il.
Le jeune docteur en informatique compte contribuer au développement dans son pays d’origine de l’usage de l’intelligence artificielle dans la gestion de la data, une activité balbutiante, mais hautement stratégique.
Né à Dellys, dans la wilaya de Boumerdès, Mehdi Chouiten a fait ses études d’ingénieur en informatique en Algérie.
En France, il a obtenu un Master puis un doctorat dans la même filière avant de parfaire sa formation, pour “la partie business”, aux États-Unis où il a intégré le programme Ignite de la Stanford business school.
Après une solide expérience acquise dans des projets pour de grands groupes, comme TF1, LVMH et Total, Mehdi s’est lancé dans l’entrepreneuriat.
En 2016, il a cofondé, avec son associé Éric Chau, Datategy, une entreprise spécialisée en intelligence artificielle, dont le conseil d’administration a accueilli, en décembre 2023, l’ancien ministre de l’Economie Arnaud Montebourg.
La vision de Datategy c’est un peu de simplifier l’usage de l’intelligence artificielle.
Mettre à la disposition de gens qui ne sont pas des experts en informatique des moyens qui leur permettent de “mettre des données à l’entrée de cet outil et de sortir des décisions qu’ils sont capables de comprendre sans forcément entrer dans le code”, simplifie le jeune informaticien algérien dans un entretien à TSA.
L’ascension de l’entreprise est fulgurante bien qu’aucune étape n’a été brûlée. D’abord, un prototype puis les premiers clients qui ont permis de financer l’évolution du produit.
Datategy a fait une première levée de fonds en 2019 et une deuxième en 2023. Aujourd’hui, la société dont le siège est situé dans le quartier de la Défense à Paris emploie 75 salariés, dont une grosse partie en France et le reste aux Émirats arabes unis, en Arabie Saoudite, en Belgique et en Algérie. En 2022, il a été classé dans le Top 10 des meilleures startups d’IA en Europe.
« Une plateforme d’IA, c’est en quelque sorte une usine d’intelligence artificielle qui permet de créer des IA nouvelles et diverses en grande partie sur la base de composants existants », a-t-il expliqué dans une tribune publiée dans Forbes en janvier 2023.
L’Algérie, un marché vierge et prometteur pour l’intelligence artificielle
Datategy a fait son entrée il y a huit mois en Algérie où elle compte quatre employés, des ingénieurs et un administratif.
Mehdi Chouiten et son staff ont choisi l’Algérie pour plusieurs raisons. D’abord, l’intelligence artificielle n’est qu’à ses débuts en Algérie et il y a donc “un marché relativement vierge”.
“Il y a aussi les spécificités du marché algérien qui font qu’une entreprise comme Microsoft ou Oracle aura peut-être un peu moins d’acculturation au marché algérien. Un data scientist qui vient des États-Unis ou d’Europe va peut-être avoir un peu de mal à s’adapter, alors que nous on est Algériens, on connaît le contexte algérien et on sait s’y adapter”, explique le co-fondateur de Datategy.
Législation algérienne
Mehdi Chouiten évoque aussi la législation algérienne qui présente « un certain nombre de restrictions sur la gestion des données ».
« C’est quelque chose qui nous paraît cohérent par rapport à ce qu’on défend sur la souveraineté numérique”, soutient-il.
Autre point avantageux en Algérie, toutes ces initiatives de grands groupes algériens dans les télécoms, l’énergie ou l’aérien qui traduisent “un vrai intérêt pour l’intelligence artificielle”, poursuit le co-fondateur de Datategy qui ambitionne de devenir leader de l’IA dans le monde.
« En Algérie, l’objectif principal est de constituer un centre d’excellence dans l’intelligence artificielle », souligne-t-il.
L’ambition de Datategy c’est d’abord de continuer à développer l’activité en Algérie, ce qui va lui permettre de former et de recruter, tout en créant des liens entre ses équipes à l’étranger et ses employés en Algérie.
“Je pense que c’est un cercle vertueux qui permet à tout le monde d’avancer”, estime Mehdi Chouiten. C’est précisément là l’un des rôles de la diaspora algérienne.
“Accumuler ailleurs de la compétence, un savoir-faire et des réseaux qu’on utilise pour développer un certain nombre de choses en Algérie”, résume l’informaticien.
« Sans toutefois avoir cette casquette de donneur de leçon” et sans prétendre qu’ « on a la connaissance en France et on vient l’apporter en Algérie », tient-il à préciser.
« On n’est pas du tout dans ce mindset. On est plutôt dans un mindset où il y a un certain nombre d’opportunités en Algérie, et pour les développer, il faut capitaliser sur les connaissances qui existent en Algérie. Il y a des ingénieurs très compétents en Algérie, la plupart d’entre eux arrivent très facilement à trouver des emplois à l’étranger, donc il n’y a pas de déficit de compétence”, explique-t-il.
L’IA et les enjeux de souveraineté pour l’Algérie
“On ramène à la fois cette capacité à financer et cette capacité à organiser une activité dans l’intelligence artificielle qui est un domaine relativement nouveau partout dans le monde et de manière plus pertinente en Algérie”, insiste Mehdi Chouiter.
S’ils tentent de faire des choses en Algérie, l’informaticien et son équipe essaient aussi de faire de même pour la diaspora à l’étranger, notamment en France.
“On accueille par exemple dans nos bureaux un certain nombre d’événements du Crea (Conseil du renouveau économique algérien) et on essaie de coordonner un certain nombre d’actions similaires. Il y a un lien permanent avec l’Algérie, avec les talents algériens, qu’ils soient dans les entreprises, les universités ou d’autres organismes”, révèle-t-il.
Modestement, Mehdi Chouiten n’est pas avare non plus en conseils pour les jeunes qui ont “une grande volonté de bien faire”. C’est d’abord de “savoir canaliser cette énergie”, “avoir des objectifs et un plan pour les atteindre”, “être ouverts d’esprit” et aller “explorer des choses ailleurs quitte à revenir en Algérie”.
“ La preuve, moi, j’ai passé une bonne partie de mon parcours à l’étranger et je me retrouve à passer pas mal de temps en Algérie parce qu’il y a beaucoup de choses à faire et de nombreuses opportunités à saisir”, dit-il.
Mehdi Chouiten explique ensuite tout l’intérêt que l’Algérie a à développer l’intelligence artificielle, qui est un domaine très lié aux données.
“Qui dit données, dit souveraineté. On va manipuler des données sensibles dans le secteur de l’énergie, de la santé, de la défense, etc. Il faut avoir des solutions algériennes pour traiter des données et prendre des décisions grâce à l’intelligence artificielle”, explique le co-fondateur de Datategy. “Avoir des solutions qui sont maîtrisables pour le pays est un enjeu central”, insiste-t-il.
Les grandes puissances ont déjà pris conscience que l’intelligence artificielle est quelque chose de “stratégique”. Il faut donc à la fois financer ce secteur et inciter les grands groupes à “adopter l’intelligence artificielle avec des règles et des méthodologies qui sont adaptées au pays”, suggère-t-il.