Deux mois après l’Algérie, la France a désigné ses historiens appelés à travailler conjointement avec leurs homologues algériens sur la mémoire de la colonisation.
Le panel s’est complété et il est maintenant attendu que les politiques des deux pays passent à la vitesse supérieure dans les autres dossiers qui intéressent la relation bilatérale, la mobilité et surtout la coopération économique.
Le procédé a été convenu lors de la visite du président français Emmanuel Macron en Algérie, en août dernier. Début décembre, le président Abdelmadjid Tebboune a reçu en audience les cinq historiens algériens désignés pour la mission. Il s’agit de Mohamed El Korso, Idir Hachi, Abdelaziz Fillali, Lahcen Zeghidi et Djamel Yahiaoui.
La partie française a mis deux mois pour suivre. Ce n’est qu’en cette fin janvier qu’Emmanuel Macron a dévoilé ses choix.
Malgré les insuffisances prêtées, côté algérien, au rapport qui lui a été commandé et qu’il a remis en janvier 2021, c’est presque sans surprise que c’est Benjamin Stora, éminent spécialiste de l’histoire contemporaine de l’Algérie, qui est désigné en tête de cinq historiens plus ou moins spécialisés dans l’histoire de l’Algérie, du Maghreb et de la colonisation.
Outre Stora, on trouve aussi Tramor Quemeneur, Jacques Frémeaux, Jean-Jacques Jordi et Florence Hudowicz.
Macron et Tebboune, qui s’apprécient mutuellement et ne l’ont jamais caché, ont entrepris de faire avancer la question mémorielle qui empoisonne épisodiquement la relation entre l’Algérie et la France.
Le président français a fait un premier grand pas avant même son élection en 2017, en qualifiant au cours d’un déplacement à Alger la colonisation de crime contre l’humanité.
Mémoire Algérie – France : une question complexe
La suite est une succession de déceptions de part et d’autre. À Alger, on a vu dans la déclaration de Macron le prélude à la demande d’excuses qui n’est jamais venue ; à Paris, c’est Macron en personne qui a exprimé très maladroitement -de son propre aveu- sa déception de ne pas avoir de retour après ses nombreux gestes, dont certains étaient proposés par le même Stora dans son rapport.
En septembre 2021, le président français a tenu des propos très désagréables sur l’Algérie, en s’interrogeant sur son existence en tant que nation avant la colonisation. Il a reproché aux dirigeants algériens d’entretenir et de vivre de la « rente mémorielle ».
La crise qui s’en suivra sera l’une des plus graves entre les deux pays depuis l’indépendance de l’Algérie.
Macron a agi ainsi peut-être par dépit, comme le soutiennent les observateurs, mais sans doute aussi sous la forte pression de la politique interne. Le dossier est trop complexe tant pour l’Algérie que pour la France.
Et chemin faisant, les deux parties sont convenues d’essayer la « dépolitisation ». En août dernier Emmanuel Macron s’est rendu en Algérie.
À travers la « Déclaration d’Alger », qui a sanctionné la visite, l’Algérie et la France ont décidé « d’inaugurer une nouvelle ère de leurs relations d’ensemble en jetant les bases d’un partenariat renouvelé », à travers une « approche concrète ».
Dans le chapitre histoire et mémoire, il est indiqué que les deux parties entreprennent « une prise en charge intelligente et courageuse des problématiques liées à la mémoire » et conviennent de mettre en place « une commission conjointe d’historiens algériens et français » qui effectuera un « travail scientifique » avec vocation à aborder « toutes les questions ».
Cette entreprise d’écrire l’histoire à deux a subi quelques critiques, mais au moins jusque-là, on peut considérer que l’idée permet aux dossiers qui relèvent exclusivement de la politique d’avancer.
La visite de Macron a été suivie par celle de sa Première ministre Elisabeth Borne avec la moitié de son gouvernement, Tebboune est attendu à Paris en mai prochain et le chef d’état-major de l’armée algérienne vient tout juste d’achever une visite en France, la première pour un responsable militaire algérien de son rang depuis 17 ans.