La nature a horreur du vide. A peine la France a-t-elle annoncé son intention de réduire sa présence militaire au Mali que des révélations sont faites sur des négociations entre les autorités de transition dans ce pays du Sahel, avec la société Wagner, bras armé de la Russie dans plusieurs zones de conflit.
La nouvelle a provoqué un échange tendu entre Paris et Moscou.
Les négociations portent sur le déploiement d’un millier de paramilitaires russes au Mali pour contribuer à la lutte contre les groupes terroristes. L’idée est très mal accueillie par les Occidentaux, dont la France.
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Le projet est confirmé par les autorités de transition. Le ministère malien de la Défense a reconnu des pourparlers avec la société russe, tout en indiquant qu’aucune décision n’a été prise. L’agence Reuters a de son côté révélé le montant du contrat et le nombre d’hommes à déployer : un millier de soldats pour 9.5 millions d’euros.
Passé le stade des rumeurs et des révélations, de nombreuses voix s’élèvent pour exprimer des inquiétudes et la France vient de mettre officiellement en garde Moscou sur les conséquences d’un tel déploiement.
Son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a rencontré son homologue russe, Sergueï Lavrov, en marge de la 76e session de l’assemblée générale de l’ONU à New York (20-28 septembre) et lui a fait savoir les inquiétudes de son pays.
« Sur le Mali, le ministre a alerté son homologue russe sur les conséquences graves d’une implication du groupe Wagner dans ce pays », a indiqué vendredi 24 septembre le Quai d’Orsay. La France estime qu’une présence russe sur le terrain est « incompatible » avec sa mission dans le Sahel. En réponse, Lavrov a confirmé la demande malienne à la société Wagner, tout en affirmant que le gouvernement russe n’était pas concerné.
« Les autorités maliennes se sont tournées vers une société militaire russe privée parce que, si je comprends bien, la France veut réduire considérablement son contingent qui était censé lutter contre le terrorisme dans le Nord », a déclaré samedi Lavrov, selon les agences.
Le chef de la diplomatie russe a reproché aux Français de n’avoir « rien fait » au Mali. « Ce sont les terroristes qui mènent la danse » dans ce pays, a-t-il dit.
La Russie a toujours démenti l’intention qu’on lui prête d’avoir une présence militaire dans le Sahel. Elle nie aussi tout lien avec la société paramilitaire Wagner, officiellement établie en Argentine.
Mais les Occidentaux accusent Wagner d’être le bras armé de la Russie pour le compte de laquelle il a agi, en déployant également des milliers d’hommes, en Syrie, en Libye et en Centrafrique.
Un projet qui divise
Les Européens estiment que Wagner, accusée d’exactions dans les pays où elle a déployé ses hommes, n’a pas les mêmes règles de prudence et le même engagement à respecter le droit de guerre et les droits humains que les forces onusiennes.
Si le Tchad, pays limitrophe a exprimé son opposition, au Mali, au contraire, l’éventualité de la venue de Wagner n’est pas vue d’un mauvais œil par tout le monde.
Beaucoup la soutiennent du moment que, estime-t-on, les forces internationales en place, celles de l’opération Barkhane sous l’égide de l’ONU, n’ont pas obtenu les résultats escomptés. Le terrorisme sévit toujours dans cet Etat du Sahel.
« Tous ceux qui crient, en disant que le gouvernement du Mali ne doit pas amener des groupes armés non étatiques, alors que le fond du problème est que, les gens sont désemparés, parce qu’on ne voit pas de résultat. Les troupes onusiennes, Barkhane, s’ils avaient des résultats, les gens ne demanderaient pas d’ausculter d’autres horizons », a déclaré Osmane Traoré, porte-parole de l’UNTM, première centrale syndicale du Mali.
Au-delà des motifs d’inquiétude des Occidentaux liés aux méthodes de la société paramilitaire russe, les négociations entamées entre les autorités maliennes et Wagner pourraient, dans le cas de leur aboutissement, marquer un tournant dans la crise du Sahel et du Mali particulièrement.
Avec l’aide de l’ONU et certains pays occidentaux, dont la France, le Mali mène une guerre contre des groupuscules terroristes.
Avec l’arrivée éventuelle de Wagner, ce pays risque de passer sous le giron de la Russie, et de se transformer en un nouveau champ d’affrontement des intérêts des grandes puissances et de déboucher sur la même situation d’impasse des conflits syrien et libyen.
Directement concernée par la situation au Mali, l’Algérie n’a pas réagi aux informations sur l’arrivée éventuelle de mercenaires dans ce pays du Sahel, en proie à des violences armées depuis plusieurs années. A plusieurs reprises, les responsables algériens ont dit que la solution à la crise malienne passait par l’application de l’accord d’Alger.
Conclu en 2015, cet accord prévoit le désarmement de groupes rebelles et leur intégration dans les forces de défense maliennes, mais il tarde à se concrétiser.