Société

« Mes 4 conseils pour réussir son projet d’émigration au Canada »

Olivier Jacques est ministre conseiller canadien à l’Emigration, directeur de zone pour l’Europe du Sud et le Maghreb à Immigration, réfugiés et citoyenneté Canada.

Dans cet entretien, il revient sur plusieurs sujets relatifs à l’immigration des Algériens au Canada, l’immigration francophone hors Québec, l’immigration au Canada avec un visa touristique, le cas de la famille algérienne en situation d’expulsion au Canada. Il donne des recommandations pour réussir son projet d’Emigration au Canada.

TSA. Pourquoi le Canada cherche-t-il à attirer l’immigration francophone hors Québec ?

Olivier Jacques : le Canada est le pays avec la deuxième plus grande superficie du monde avec seulement quarante millions d’habitants et avec une économie en forme. Actuellement, le Canada a besoin de bras et de cerveaux.

Le gouvernement du Canada a fait le pari d’ouvrir toutes grandes les portes de l’immigration pour combler les pénuries de main-d’œuvre et pour accroître la population canadienne.

On a l’ambition au Canada d’augmenter le nombre d’admissions à l’immigration permanente pour atteindre 500 000 nouveaux arrivants en 2025, ce qui représente plus de 1 % de la population canadienne.

Ce qu’on ignore souvent c’est qu’il y a des communautés francophones partout au Canada. Bien évidemment au Québec mais aussi dans chacune des treize provinces et territoires que compte le pays.

Le Canada cherche à attirer des immigrants d’expression française pour contribuer à la vitalité de ces communautés francophones à l’extérieur du Québec.

Ceux qui souhaitent s’installer ailleurs qu’au Québec ont accès à des services en langue française. Il est possible de vivre en français partout au Canada.

TSA. Quels sont les avantages qu’offrent les autres régions canadiennes par rapport à Québec ?

Olivier Jacques : le Québec a de nombreux atouts et constitue un très bon choix pour ceux qui voudraient s’installer au Canada.

Ceci étant dit, le Canada est un grand pays avec une grande diversité géographique et culturelle. Chaque région a ses attraits et ses pressions économiques.

À titre d’exemple, les avantages économiques de s’installer dans un territoire comme le Yukon au nord-ouest du Canada sont importants. Le taux de chômage est de 5 % au Canada.

Dans un territoire comme le Yukon, il est de 2,9 %. Il est intéressant de s’installer dans les différentes régions pour pouvoir profiter des opportunités économiques et d’emploi.

Aussi, peu importe où on choisit de s’installer à l’extérieur du Québec, il est possible d’avoir accès à des services en français comme envoyer ses enfants à l’école en français, avoir des services de garde en français.

Il y a des établissements d’intégration à la société canadienne qui sont disponibles en français. Il y a différents programmes qui existent pour faciliter les choses pour les migrants d’expression française qui veulent participer à l’économie et la vie culturelle canadienne.

TSA. Est-ce que cela signifie que les candidats algériens doivent maîtriser l’anglais ?

Olivier Jacques : la connaissance de l’anglais est primordiale. Au Québec, la majorité de la population parle français alors que c’est l’anglais qui est le plus parlé ailleurs au Canada.

La connaissance de l’anglais est importante aussi bien pour l’emploi que pour la vie de tous les jours. Néanmoins, les candidats algériens comme les autres sous-estiment souvent leurs connaissances en anglais.

Au Canada, il y a une personne sur quatre qui est née à l’extérieur du pays. Donc il n’y a personne qui va juger une autre pour son accent, les erreurs qu’elle peut faire. L’important est de se lancer, d’essayer de parler anglais pour se débrouiller dans ce contexte.

TSA. Quel est le nombre d’Algériens établis au Canada ?

Olivier Jacques : au Canada, on estime qu’il y a actuellement environ 100 000 Algériens qui y sont établis de façon permanente. Ils sont installés majoritairement à Montréal et sa région.

Au Québec, l’Algérie est la quatrième source d’immigration après la France, Haïti et le Maroc.

Si on parle des étudiants installés de façon temporaire au Canada, on comptait 7.500 Algériens l’année dernière.

TSA. Quel était le nombre de candidats algériens à l’immigration au Canada en 2022 ? Quel est le taux de refus ?

Olivier Jacques : l’an dernier, il y avait environ 12.500 Algériens (dont certains résidents temporaires au Canada) qui ont déposé une demande d’immigration permanente au Canada.

Les demandes ont été approuvées dans leur très grande majorité. Le système d’immigration au Canada est fait de sorte à ce que les candidats soient informés de façon très claire sur les critères et peuvent faire une auto-évaluation.

Les candidats qui n’ont pas de chance de se qualifier sont invités à ne pas déposer une demande.

Déjà le contrôle commence à ce moment-là. Parmi tous les ressortissants algériens qui ont été invités à déposer une demande, il y a environ 98 % qui ont été approuvés en 2022.

Le taux de refus est très faible pour ceux qui ont une demande complète et qui répondent aux critères.

Pour ce qui est des demandes de résidence temporaires pour des études, le travail temporaire ou pour visiter le Canada, on a eu plus de 60.000 demandes de la part de résidents en Algérie qui ont été soumises l’an dernier.

TSA. Est-ce que l’offre canadienne d’immigration à destination des pays francophones est limitée dans le temps ? Quels sont vos objectifs en matière de recrutement de migrants ?

Olivier Jacques : le Canada veut continuer à garder ses portes ouvertes et accueillir un nombre grandissant d’immigrants, notamment des francophones.

Les candidats d’expression française sont d’un intérêt particulier pour le gouvernement canadien. La voie principale pour immigrer dans le système de résidence permanente est le programme appelé Entrée Express.

Dans ce programme, les principaux critères de sélection sont l’expérience au travail, l’éducation, l’âge, la maîtrise des langues.

Le gouvernement canadien donne un avantage (des points bonus) pour les candidats qui s’expriment en français. C’est une façon d’encourager les candidats francophones.

C’est une mesure permanente. Ce n’est pas limité dans le temps à moins d’un changement de politique mais pour l’instant les pénuries de main d’œuvre sont réelles et on cherche à les combler par l’immigration.

TSA. Quels sont les profils les plus recherchés par le Canada dans les pays francophones comme l’Algérie ?

Olivier Jacques : le Canada sélectionne les immigrants qualifiés en se basant sur le capital humain. On doit s’assurer que les candidats ont le potentiel de s’intégrer dans le marché du travail canadien selon les critères que j’ai cités.

Par exemple, un Algérien qui aurait un bon niveau d’éducation, une bonne expérience au travail, une capacité d’expression française et pouvant s’exprimant en anglais, relativement jeune, serait un candidat de choix.

Je peux vous citer des domaines fortement demandeurs de main d’œuvre comme les technologies de l’information, l’éducation, la petite enfance, la santé, l’hôtellerie-restauration, le transport et la logistique.

TSA. Contrairement à la France, le Canada ne connait pas de polémiques sur l’islam, le Ramadan, le voile… Est-ce que cela signifie que le modèle canadien d’intégration des migrants est meilleur ?

Olivier Jacques : le Canada n’est pas exempt de polémiques. Nous avons nos propres défis avec la religion. Selon le plus récent recensement fait en 2021, la religion musulmane est la deuxième religion déclarée au Canada.

Au Canada, on croit que la diversité des origines, des races ou de religion peut être une richesse. C’est une source de force. On croit que les communautés diversifiées vont assurer une meilleure cohésion sociale.

C’est ce qu’encourage le gouvernement canadien. C’est ce qui amène un plus grand respect du droit à la personne et constitue un avantage économique et culturel qui est notable.

Le gouvernement canadien soutient l’intégration réussie des personnes en investissant des sommes importantes pour s’assurer qu’une personne s’intègre plus rapidement, plus facilement au sein de la société en offrant un service d’accompagnement pour des cours de langues, pour obtenir un emploi, trouver un logement. Tout cela permet d’adoucir les différences qu’il peut y avoir

TSA. Une famille algérienne est sur le coup d’une expulsion au Canada après le rejet de sa demande d’asile. Pourtant, les membres de cette famille ont bien réussi leur intégration au Canada. Quels sont les enseignements à tirer de cette affaire pour les candidats à l’émigration au Canada ?

Olivier Jacques : ce cas démontre bien que si un candidat désire s’installer au Canada de façon permanente il faut s’y prendre de la bonne façon et demander le bon visa. C’est le message que j’aimerais passer. Le Canada a une politique ouverte à l’immigration et offre différents programmes pour immigrer de façon permanente ou bien pour étudier ou travailler de façon temporaire.

J’encourage tous les candidats, les Algériens compris, à demander le bon visa surtout s’ils désirent s’installer. Ça va éviter toute sorte de problèmes.

TSA. Pour émigrer au Canada, quelles sont les principales erreurs à ne pas commettre pour éviter le refus de sa candidature ? Quels sont vos conseils pour réussir son projet d’émigration au Canada ?

Olivier Jacques : j’ai quatre conseils à donner pour réussir son projet d’Emigration au Canada. Le premier serait de bien définir son projet d’Emigration.

Un départ pour le Canada ça se réfléchit, se prépare. Il faut se poser les bonnes questions, pourquoi le Canada ? Qu’est-ce qu’on va y faire ? Où s’installer ?

Le deuxième conseil que je voudrais donner, c’est l’importance de se renseigner sur les options et les démarches d’immigration avant de déposer une demande.

Un bon point de départ serait de se renseigner au niveau du ministère de l’Immigration appelé Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada.

Le ministère dispose d’un site web complet qui explique toutes les étapes à suivre, quel que soit le type de demande qu’on se prépare à faire.

Un candidat qui est bien informé n’a pas besoin de consultant pour faire sa demande.

Un autre conseil que je veux partager c’est de se renseigner sur l’emploi.

On peut commencer à chercher du travail ici en Algérie avant d’aller au Canada. Le site web Guichet-emploi est une bonne ressource. Il faut aussi savoir que près de 80 % des emplois au Canada ne sont pas affichés sur le Web. Il est donc très important de cultiver un réseau de contacts.

En dernier, j’invite les candidats à suivre les réseaux sociaux de l’ambassade du Canada sur Facebook, Twitter pour avoir les informations de la source officielle.

TSA. Certains profils intéressés par le Canada ne remplissent pas les critères fixés par votre pays pour y émigrer. Ils tentent parfois leur chance avec un visa touristique et sur place ils trouvent du travail. Peut-on émigrer au Canada avec un visa touristique ?

Olivier Jacques : Pour être clair : non. Il n’est pas possible d’immigrer au Canada avec un visa touristique.

Travailler au Canada exige un permis de travail. Une personne qui travaille au Canada sans permis de travail fera l’objet d’une procédure d’expulsion vers son pays d’origine.

Il existe de multiples programmes d’immigration pour venir travailler, s’installer qui correspondent à différents parcours. Il est important de bien s’informer avant de venir au Canada.

TSA. Un dernier mot pour les candidats algériens ?

Olivier Jacques : le mot d’ordre est que le Canada est ouvert à l’immigration. Le Canada est intéressé par les candidats qui sont prêts à contribuer à sa société. J’invite ceux qui s’intéressent à ce projet-là à s’informer auprès des autorités canadiennes qui se feront un plaisir de partager les informations.

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