L’Iran a opposé lundi une fin de non recevoir au ministre des Affaires étrangères français, venu chercher à Téhéran des gages pour tenter de sauver l’accord international sur le nucléaire iranien menacé par les États-Unis.
Il y a « encore beaucoup de travail à faire » sur la question du programme balistique iranien et de l’influence de l’Iran au Moyen-Orient, a reconnu le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian à l’issue d’une journée de discussions à Téhéran.
M. Le Drian, qui a rencontré son homologue Mohammad Javad Zarif, le président iranien Hassan Rohani et l’amiral Ali Shamkhani, secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, a dit leur avoir « fait part des interrogations lourdes de la France sur ces deux sujets ».
Les deux parties se sont exprimées « très librement », avec « fermeté », a ajouté le ministre, soulignant que les entretiens avaient été « francs ».
M. Le Drian est le premier haut responsable des trois pays de l’Union européenne parties à l’accord sur le nucléaire iranien (Allemagne, France et Grande-Bretagne) à venir à Téhéran depuis l’ultimatum posé en janvier par Donald Trump à propos de ce texte, présenté par ses partisans comme le meilleur moyen d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique.
Le président américain, pour qui il s’agirait d’un des pires accords jamais accepté par les États-Unis, a donné jusqu’au 12 mai aux Européens pour remédier aux « terribles lacunes » de ce texte conclu en 2015, faute de quoi Washington en sortira et réintroduira des sanctions contre l’Iran.
La France cherche à obtenir de Téhéran des engagements à modérer son programme balistique et son influence au Proche et au Moyen-Orient, où Paris accuse la République islamique de visées « hégémoniques » pour le rôle qu’elle joue notamment en Irak, en Syrie et au Liban.
Les autorités iraniennes répètent depuis des mois qu’aucune négociation n’est possible sur ces sujets et n’ont montré aucune volonté d’infléchir leur position.
– ‘Rôle plus constructif’ –
Selon le ministère des Affaires étrangères iranien, M. Zarif a déclaré à M. Le Drian que l’Europe pouvait « jouer un rôle plus constructif pour préserver » l’accord de 2015 en faisant « pression sur les États-Unis pour qu’ils appliquent leurs engagements ».
Dans un entretien publié dans la presse, M. Zarif avait dénoncé plus tôt l' »extrémisme » dont font preuve selon lui les pays européens « pour conserver les États-Unis dans l’accord sur le nucléaire iranien ». Cette attitude « nuira en fin de compte à la politique de l’Europe », a-t-il averti.
L’Iran a des « programmes balistiques de plusieurs milliers de kilomètres de portée qui ne sont pas conformes aux résolutions du Conseil de sécurité et dépassent les seuls besoins de sécurité des frontières de l’Iran », avait déclaré M. Le Drian, au Journal du Dimanche avant de s’envoler pour Téhéran, appelant la République islamique à prendre ce sujet « à bras le corps faute de quoi (elle) s’exposera à des sanctions ».
La France possède des missiles balistiques stratégiques d’une portée supérieure à 6.000 km pouvant être lancés à partir de sous-marins et les menaces de M. Le Drian ont été fraîchement accueillies par la presse locale et les autorités iraniennes.
Celles-ci assurent n’avoir aucune intention de se doter de l’arme atomique et limiter la portée de leurs missiles à 2.000 km.
M. Shamkhani, qui a reçu M. Le Drian dans son uniforme d’amiral, tenue qu’il réserve habituellement à ses visiteurs militaires, a indiqué que « le renforcement de la capacité défensive de l’Iran, en particulier la puissance balistique du pays, (était) une nécessité inévitable dans le cadre de la politique de dissuasion » de son pays.
S’ils ont fait montre d’une volonté commune de maintenir en vie l’accord sur le nucléaire iranien, MM. Rohani et Le Drian ont affiché des vues apparemment peu conciliables sur la Syrie.
Mettant en garde contre « le risque de cataclysme humanitaire » dans ce pays, « mais aussi sur le risque de conflagration régionale », le ministre français a évoqué « la capacité » de l’Iran à « intervenir de manière vigoureuse » auprès du gouvernement du président syrien Bachar al-Assad, son allié, pour apaiser la situation.
Mais M. Rohani a estimé de son côté qu’il n’y avait « aucun autre moyen que de renforcer le gouvernement central à Damas pour régler la crise syrienne ».